
Henri Auguste Gaillard, dit « Busard » est né le 24 septembre 1916 à la Côte-Saint-André (Isère) de parents fermiers. Son père, Auguste, était aussi issu d’une famille de paysans dans la plaine du Rival. Auguste rêvait d’être mécanicien, mais il finira par s’installer avec son épouse Marie, dans la ferme de celle-ci – une propriété avec de nombreux moutons, des cochons, des vaches et des chèvres. Le couple se livre à des adieux difficiles avant le départ d’Auguste pour Verdun en 1916. Mobilisé dans un bataillon de Chasseurs alpins, il reviendra vivant de la « mère des batailles » après avoir perdu la plupart de ses camarades.
Jeune, Henri Gaillard quittera l’école à 14 ans avec le certificat d’études en poche, il travaillera à la ferme et effectuera son service militaire en 1936 dans un bataillon de Chasseurs alpins comme son père. Jeune homme, il comprend rapidement qu’il n’est pas fait pour tondre les moutons toute sa vie : il quitte la ferme pour travailler en ville aux PTT, à Grenoble. Il y découvre une passion pour la radio et la télégraphie, une expérience qui sera précieuse lors de l’éclatement de la seconde guerre mondiale.
Il rencontre Juliette Lanty, jeune fille de 20 ans, à un bal du 14 juillet. Ils se marient le 31 décembre 1940 et s’installent à Annecy.
Le recrutement d’Henri Gaillard dans le réseau Alliance remonte à janvier 1941 dans le secteur de Grenoble. Il a alors 24 ans. Résistant de la première heure, il refuse catégoriquement l’occupation allemande et devient un important agent de liaison entre les différents groupes du réseau dans toute la France. Il transporte entre Lyon, Pau, Bordeaux, Perpignan, des messages, de l’argent, il livre des renseignements grâce à son émetteur radio et il est l’un des seuls à pouvoir communiquer avec Alger. Il fait plusieurs voyages en Angleterre. André Girard, haut fonctionnaire, président du Comité Jean Moulin pour le Rhône, et ancien Chef régional du réseau sous le pseudonyme « Pointer », raconte ainsi le parcours de Busard : « Il dut quitter cette région devenue dangereuse pour lui en 1943 et fut affecté au P.C du Réseau à Paris. Il devait alors et jusqu’à la Libération accomplir d’innombrables missions entre le P.C., la zone dite « libre », les régions interdites des Pyrénées et des côtes atlantiques, transportant constamment du courrier et d’importantes sommes d’argent qui sont toujours arrivés à destination. »
Busard se fait arrêter à plusieurs reprises – en mai 1943, juste avant de prendre un car pour Tullins, les gendarmes l’arrêtent après avoir découvert un poste émetteur dans son sac. Conduit à la prison Saint Joseph, il parvient à s’en échapper avec l’aide de ses camarades et la complicité de certains gardiens. Il se fait arrêter aussi à Vierzon en juillet 1943, sur dénonciation de Français, et en février 1944 à Chantenay. Il parviendra à s’évader, à fausser compagnie aux allemands, notamment en sautant d’un train en marche, sans se blesser, et poursuivre sa mission.
Il en paiera cependant le prix cher. La Gestapo se venge, accompagnée de la milice : ils se rendent à la maison de famille à Châtillon sur Chalaronne. Busard étant introuvable, ils décident d’arrêter le père de Juliette, Charles Lanty, qui tient une quincaillerie dans le centre du village. Cependant c’est le petit frère de Juliette qui demande à être emmené, Joseph, dit « Zézé ». Il prononce les mots « Je reviendrai » avant de monter dans la traction Citroën noire devant la demeure. Joseph Lanty est arrêté et emprisonné sous le matricule 60123, puis transféré à Compiègne avec d’autres déportés de l’Ain. Il fera partie du convoi 1.191 pour Mauthausen, départ le 22 mars 1944.
A la fin de la guerre, Henri Gaillard se rendra en Autriche à la recherche de son beau-frère que tous espèrent vivant. Hélas le jeune homme de 20 ans contracte la tuberculose et se fait gazer le 8 avril 1945 à Linz, quelques semaines avant la libération du camp par les Américains. Busard reviendra d’Autriche abattu. Le père de Joseph, Charles Lanty, se laisse mourir de chagrin en 1945. Henri Gaillard continuera à servir dans les renseignements jusqu’en 1946. La médaille de la Résistance lui est décernée en juillet 1948, place Bellecour, à Lyon, en reconnaissance de son action dans la clandestinité.
Busard n’a hélas pas laissé de carnets. Homme secret, son engagement dans la Résistance est incarné par un nombre impressionnant de documents qui restent longtemps cachés dans un grenier, avant d’être envoyés par l’un de ses cinq enfants, sa fille Annick, au musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne.
L’action d’Henri Gaillard n’a pu être célébrée au sein de sa famille, en raison du drame familial lié à la mort de son beau-frère. C’est à Londres en juin 1980, qu’il pourra renouer avec son passé et ses camarades du réseau, lors d’une célébration du 40ème anniversaire de l’appel du General De Gaulle. Il est alors accompagné par Annick et sa petite fille Géraldine, âgée de 7 ans.
Marie-Madeleine Fourcade, chef du réseau Alliance sous le pseudonyme « Hérisson », a immortalisé le nom de Busard dans l’organigramme de l’Arche de Noé et André Girard a restitué le passé héroïque de Busard : « J’atteste qu’Henri Gaillard a toujours servi notre cause à laquelle il s’est dévoué sans compter avec la plus grande loyauté et le plus grand désintéressement et je suis heureux de pouvoir, ici, rendre hommage à ce Français courageux qui prit volontairement les plus grands risques pour servir son pays et son idéal ». (Attestation du 9 mai 1966, rédigée à Lyon).
Henri Gaillard s’est éteint le 8 novembre 1993 à Grenoble, cinq mois à peine après le décès de son camarade de liaison André Girard.
Sources : Avec le concours de Annick Gaillard, sa fille, et Géraldine Dunbar sa petite fille.