
Guy de Saint Pol est né le 22 mars 1914 à Curcy dans le Calvados. La même année, le 7 septembre son père tombe sous la mitraille allemande près de Verdun. Appelé au service armé le 15 avril 1935 (classe 34), il est affecté au 505ième Régiment de Chars de Combat (R.C.C.) basé à Vannes et passe l’examen du peloton d’E.O.R. de cavalerie. Le 3 octobre 1936, il rentre dans sa Normandie natale et s’installe comme agriculteur à Amayé sur Seulles (Calvados). Il se marie et devient père de deux enfants nés en 1937 et 1942.
Mobilisé le 2 septembre 1939, il rejoint dans le secteur de Verdun le 505ème R.C.C. A la fin de l’année 1939 il est affecté au 503ième R.C.C. à Satory. Le 11 juin 1940, ordre est donné au régiment de rejoindre le dépôt de chars du 503ième R.C.C. situé à Castelnau-Magnoac près de Tarbes. Plusieurs fois mitraillé par l’aviation allemande, le convoi met un mois pour atteindre sa destination. Démobilisé il est de retour dans son foyer le 11 septembre 1940.
La grande humiliation subit durant ce repli, l’insupportable joug allemand pour un homme qui avait un tel idéal de liberté pour son pays, l’ambiance détestable crée par l’incitation des allemands à la collaboration active et passive, l’exemple de son père « Mort pour la France », l’éducation de sa mère pour qui « donner sa vie pour la Patrie » était le devoir suprême…l’ont conduit à s’engager dans la résistance. Le 1 mai 1942, Il intègre le Réseau ALLIANCE, secteur « Ferme » qui couvrait les départements du Calvados et de la Manche. Agent de renseignement P2, chargé de missions de 3ème classe (C.M.3, sous-lieutenant). Il est rattaché à l’une des deux équipes de Robert Douin dit « Civette », chef du secteur de Caen. Le responsable de l’équipe de Villers-Bocage était Jean Caby dit « Emouchet », électricien et spécialiste radio.
A plusieurs reprises des liaisons-radio sont réalisées de chez lui à Amayé. Il effectue des gardes de nuit sur des voies ferrées parfois à plus de 20 kms de chez lui, pour relever les convois ennemis de troupes et de matériel. Il fournit des renseignements sur les défenses côtières allemandes, et contribue ainsi à la réalisation, par Robert Douin de la carte des côtes normandes transmise à l’I.S.Britannique (Intelligence Service) pour le débarquement. Marie-Madeleine Fourcade écrira plus tard, au sujet de Guy de Saint Pol, « agent d’un grand courage ayant fourni des documents exceptionnels ».
Durant l’été 1943, il héberge deux « requis », venus de la région de Nantes, Jean et Pierre Wichasky, qui se cachaient pour fuir le S.T.O.
En octobre 1943, il héberge chez lui deux aviateurs américains, les capitaines Harold Curtiss et Harold Helstrom, dont l’avion avait fait un atterrissage forcé près de chez lui. Il les cache et les introduit dans une filière d’évasion dont il avait connaissance. Etait-ce dans le cadre du Réseau ALLIANCE qui a eu, effectivement, une filière via l’Espagne ? A l’été 1946, son épouse, reçoit une lettre de ces officiers provenant des Etats Unis, preuve qu’ils avaient pu regagner l’Angleterre via l’Espagne.
Le vendredi 17 mars 1944, Robert Douin, Jean Caby, et Guy de Saint Pol, sont arrêtés par la gestapo.
Interné à la prison de Caen, il est mis, comme Douin et Caby, dans un cachot insalubre, sans lumière ni aération, avec pour seule nourriture de la soupe au chou et un quignon de pain. Il n’en sort que pour subir des interrogatoires particulièrement éprouvants. Guy de Saint Pol, fervent chrétien, puise dans la prière la force de résister.
La gestapo n’obtient aucun renseignement de ces agents. Guy de Saint Pol au bout de 47 jours regagne une cellule « normale ». Il communique alors avec son épouse par des petits messages écrits avec une mine de crayon sur du papier fin glissé dans la doublure de ses manches de chemises, les prisonniers ayant le droit de transmettre du linge à leur famille pour qu’il soit lavé. Ainsi, il rapportera qu’il participait à la vie de la collectivité comme balayeur de son étage, le 3ème, ou comme « soupier ». Ceux qui ont échappé au massacre diront qu’allant de cellule en cellule, il encourageait ses camarades. L’aumônier confira plus tard : « Il est de ceux que l’on n’oublie pas ». Il attendait avec grande confiance le grand jour de la libération par les Alliés, jour qui pour lui devait être proche.
Le jour du massacre du 6 juin 1944 a été très bien décrit dans le livre « Massacres nazis en Normandie. Les fusillés de la prison de Caen », de Jean Quellien et Jacques Vico. Guy de Saint Pol est de la deuxième vague des fusillés. Le temps pour lui de distribuer la soupe de midi et d’encourager chacun à faire face à l’épreuve finale. Vers 15h la fusillade reprend jusqu’à la fin de l’après-midi.
Les corps des fusillés n’ont jamais été retrouvés et les responsables de cette tuerie ont bien été arrêtés mais leur responsabilité n’a jamais été établie.
Décorations à titre posthume :
-Medal of Freedom du 18 octobre 1946 décernée par le Général d’Armée D. Eisenhower avec citation dont voici la traduction : « Guy de Saint Pol, Citoyen Français, a combattu de la façon la plus courageuse pour la cause de la liberté en fournissant une aide d’une importance exceptionnelle à des membres des forces armées Américaines et Britanniques qui évitèrent d’être capturés dans les pays d’Europe occupés par l’ennemi. Le courage, la bravoure et la dévotion exceptionnelle à la cause commune de la liberté dont a fait preuve cette personne en faisant des actions aussi périlleuses, tout en connaissant le prix à payer en cas d’arrestation, ont apporté une contribution essentielle à la fin des hostilités dans ce théâtre d’opérations, méritant ainsi le plus haut degré d’admiration ».
- Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.
- Croix de Guerre avec palme.
- Médaille de la Résistance.
- Certificat de Services décerné par le Field Marshal Montgomery.
Guy de Saint Pol, était de ces familles, qui ont donné au cours des deux guerres mondiales, des hommes ou des femmes sur deux générations pour la Libération de la France ou comme victime du nazisme, et qui n’ont jamais su où étaient les corps de leurs disparus.
A l’intérieur de la Prison de Caen, devant une des courettes murée, lieu du massacre du 6 juin 44, où se tient tous les ans une cérémonie réservée aux familles des fusillés.
Sources : archives familiales (lettres, témoignages, coupures de presse, attestations diverses…).
Archives sur le Réseau Alliance.
Livre de Jean Quellien et Jacques Vico, « Massacres en Normandie, les fusillés de la prison de Caen » aux Editions Charles Colet.