
Qui se souvient de l’abbé Leroy, mis à part son village natal, Coglès, le quartier de Rocabey à Saint-Malo ou encore la commune de Montreuil-sous-Pérouse ? Une stèle garde mémoire de l’enfant du pays à Coglès, tout près de l’église ; une rue porte son nom à Rocabey et la commune de Montreuil-sous-Pérouse a inscrit le souvenir de ses activités de résistant à travers une rue et une pierre sculptée. Les générations se succèdent et qui peut garantir qu’à l’avenir ces noms gravés parleront encore du courage extraordinaire de ces hommes et femmes qui ont osé dire « non »? Non à la mutilation de l’homme, à son asservissement, à la barbarie à visage bestial.
Montreuil-sous-Pérouse : des faits de résistance
Enfin, en 1941, l’abbé Leroy est nommé recteur de Montreuil-sous-Pérouse. Les Français viennent de connaître la débâcle, l’arrivée des troupes d’occupation. Les années noires commencent, rythmées par des actes d’héroïsme, de basses compromissions et de viles lâchetés. Sur cette toile d’horizon assombrie, jaillissent tout de même quelques faisceaux lumineux qui permettent de garder confiance en l’homme : Pierre Lemaître, économe à l’hôpital de Vitré qui rejoint le réseau « Alliance » et Pierre Leroy qui exerce la fonction de secrétaire de mairie.
A ce titre, il délivre aux jeunes des fausses cartes d’identité pour leur éviter le STO (Service du Travail Obligatoire) en Allemagne. Au cours d’une rafle, un jeune révèle l’auteur du faux document qu’il possède. Le 20 avril 1944, une traction vient chercher Pierre Leroy : il est arrêté et sera déporté en Allemagne. Certes il aurait pu fuir, mais il ne voulait pas attirer de représailles sur ses paroissiens. Interrogé à Fougères, il est emmené à Rennes, à la prison Jacques Cartier, enfermé dans la cellule n°56 réservée aux curés. Pour lui, comme pour tant d’autres, commençait un long cauchemar.
Le camp de Neuengamme
A partir de là, l’abbé Leroy va connaître l’itinéraire et le sort de tant et de tant de déportés. Aux alentours du 10 mai, un convoi l’amène à Compiègne. Le 4 juin, il est dirigé vers l’Allemagne. Grâce aux témoignages de ses anciens camarades, il est possible de suivre Pierre Leroy dans les camps de déportation. Après trois jours et trois nuits d’un voyage exténuant, il est interné au camp de Neuengamme, près de Hambourg. Travailleur forcé à la briqueterie du camp, il apporte son soutien moral à ses camarades. Les Alliés viennent de débarquer sur les côtes normandes.
Après Neuengamme, Pierre Leroy est transféré à Misbourg-Hanovre. Marcel Sibade, de Perpignan révèle : « Le travail était assez dur et les privations de toutes sortes ne l’avaient pas tellement affaibli, il gardait un moral excellent. L’abbé Leroy célébrait sa messe, presque chaque jour, à laquelle il invitait ses compagnons. » Lui et ses camarades sont employés à creuser les trous des bombes et à déblayer les rues. Jean-Pierre Renouard, de Paris témoigne que tout exercice d’un culte religieux était interdit dans les camps de concentration et que l’abbé Leroy était le seul prêtre au monde autorisé par les S.S. à dire une messe le jour de Noël. La fraternité pouvait se vivre ce joyeux Noël 44 avec les Français, Belges, Hollandais, Italiens, Norvégiens, Polonais, Danois et Tchèques. Les conditions de vie deviennent atroces : froid rigoureux, manque de nourriture, de vêtements, de sommeil, poux et brutalité. Au mois de mars suivant, l’abbé Leroy est entré à l’infirmerie et il y resté jusqu’au départ pour Belsen.
Bergen-Belsen
Bergen-Belsen…l’horreur de la déportation et l’agonie de l’Allemagne, selon les mots de Simone Veil,elle-même rescapée de Bergen-Belsen (Une vie,Stock,2007)
Bergen-Belsen est le rendez-vous avec la mort pour beaucoup de déportés et pour l’abbé Leroy : le camp y est transféré par camion. Le manque de nourriture et le typhus ravagent la population : 60 000 personnes y meurent en avril 1945. L’abbé Leroy est mort d’épuisement et de faim, le 13 avril 1945 et son corps rejoint celui de ses camarades de souffrance dans une fosse commune. Le 17 avril, Les Anglais libèrent le charnier de Bergen-belsen et brûlent complètement le camp pour éviter la propagation du typhus. Seule subsiste une grande clairière nue, signe des ravages d’une barbarie à visage humain. Dans l’effroyable silence de la mort, est construit un monument à la mémoire des 450 000 victimes de Bergen-Belsen, hommes, femmes et enfants. Dernière preuve de l’ignominie nazie : un policier de la P.J. de Rennes affirme à Madame Paule Duclos, de Dinan qu’il a lui-même transporté, avec un de ses camarades, le corps de l’abbé dans la fosse commune, alors qu’il était agonisant.
Rebelle à toute forme d’embrigadement idéologique, l’abbé Leroy est vraiment quelqu’un de fidèle au meilleur de l’homme et de fraternel avec ses compagnons d’existence, quels qu’ils soient.
Daniel Heudré
Sources : archives privées de la famille Leroy.
http://shapfougeres.blogspot.com/2012/06/resistants-de-tous-bords-pierre-leroy.html