le réseau SIBIRIL-ALLIANCE (Finistère)

Les premiers embarquements vers l’Angleterre organisés par Jacques Guéguen

Malgré l’avance rapide des Panzerdivisionen à travers la Bretagne du 17 au 20 juin 1940, des pêcheurs du Finistère parvinrent à organiser des passages, vers Jersey et l’Angleterre, de militaires britanniques coupés de leurs unités et de volontaires français. Ce fut le cas notamment de Jacques Guéguen, âgé de 70 ans, ancien marin du commandant Charcot lors de ses expéditions polaires de 1908 et 1910, pêcheur demeurant au lieu dit Le petit havre de Pont-de-la-Corde en Henvic sur la Penzé. A bord de son cotre de pêche de 8 mètres 50, le Pourquoi Pas ?, dès fin juin/début juillet 1940. Même après l’arrivée des Allemands à Henvic, il transporta plus de trente personnes, en trois fois, jusqu’au port de St Hélier à Jersey, puis jusqu’à Fowey en Cornouailles anglaise.

Le moteur du Pourquoi Pas ayant subi une avarie, Jacques Guéguen sollicita, pour la réparation, son voisin et ami, Ernest Sibiril, dont la famille était propriétaire d’un chantier naval à Carantec, depuis 1790. Il lui confia par la même occasion la mise en place de son activité clandestine. Ernest Sibiril aurait alors commencé à cacher chez lui des « candidats » au départ.

Le moteur du cotre réparé, Jacques Guéguen reprit les transports clandestins d’hommes et de courriers, en rapport avec le réseau de renseignements polonais connu sous les noms de « Famille F2 », puis « Interallié-Famille » organisé, en lien avec les Services Secrets britanniques (SIS ou MI6) par le Deuxième Bureau Polonais de Londres, réseau qui, à partir de Paris, était parvenu à avoir des agents dans plusieurs ports français.

Une première série d’arrestations fin janvier 1941 frappa les résistants du secteur, et notamment le colonel de Soyer, demeurant à Henvic, qui mourut en déportation et le jeune Yves Guéziec âgé de 16 ans qui fut fusillé, car trouvé porteur d’un plan d’aérodrome. Faute de preuves, Jacques Guéguen échappa alors à une condamnation, et poursuivit son action. Toutefois, début 1942, toujours soupçonné d’activité antiallemande, il fut à nouveau arrêté et condamné à deux mois de détention. Il parvint à simuler de grandes douleurs rhumatismales et compte tenu de son âge, fut autorisé à rentrer provisoirement chez lui.

Mais le 3 février 1942, Jacques Guéguen reçut l’ordre de rejoindre la prison Jacques Cartier de Rennes afin d’y purger le reste de sa peine à compter du 14 février 1942. Craignant le pire, Guéguen se réfugia chez son ami Ernest Sibiril à qui il demanda de l’aider à gagner l’Angleterre en compagnie de son fils François, âgé de 16 ans, complice de ses activités clandestines. Ernest Sibiril, mesurant les risques que couraient ses amis, donna immédiatement son accord. C’est ainsi que celui-ci fut amené à organiser sa première opération d’évasion, le 10 février 1942, à bord de l’André, un cotre, c’est à dire un voilier à un seul mât.

Outre les Guéguen père et fils, prirent place à bord un officier belge des services de renseignements, Van Hacker qui était depuis trois semaines chez les Sibiril dans l’attente d’un départ et Madame Bruley des Varannes, une infirmière major qui venait de Cholet. La traversée s’effectua de nuit et dura 26 heures. François Guéguen s’engagea dans l’infanterie de l’air en octobre 1942, puis breveté parachutiste en septembre 1943, il participa aux opérations du 2ème régiment de chasseurs parachutistes le 10 juin 1944 au Sud de la Loire, puis en Belgique et enfin en avril 1945 en Allemagne.

La création d’une  filière d’évasion par Ernest SIBIRIL

Après cette première opération, Ernest Sibiril, né le 23 juin 1899, se lança dans la création de sa  propre réseau, avec l’aide

– des membres de sa famille :

  • son père, Alain : agent d’opérations chargé de la préparation des bateaux, et de leur appareillage ;
  • son épouse, Louise : adjointe responsable de l’hébergement des personnes en attente du départ et des soins aux aviateurs blessés ;
  • leur fils Alain, né le 28 juin 1930 : agent de liaison et d’opérations plus particulièrement en charge du guet pendant les embarquements, du convoyage d’évadés, et de transport de documents ;
  • sa sœur, épouse Caroff : agent d’opérations, chargée de l’approvisionnement des personnes cachées chez les Sibiril, et son mari de celle-ci Jean Caroff : agent d’opérations, aidant à la remise en état des bateaux et aux embarquements ;
  • son frère, Léon : agent d’opérations, agent de liaison avec les différents réseaux chargé de l’ acheminement de documents secrets ;
  • son cousin , Jean-Louis Jacq, entrepreneur en bâtiment à Henvic, aidé par son employé Eugène Le Saout, agents de liaison, prenant en charge les aviateurs alliés abattus en Sud-Bretagne pour assurer leur transport clandestin jusqu’à Carantec

– celle des ouvriers de l’entreprise :

  • François Bernard et François Scouarnec : agents d’opérations chargés de la remise en état des bateaux et de leur mise à l’eau ;

– et celle d’amis, notamment des marins pêcheurs de l’île Callot :

  • les frères Etienne, Jean, Joseph et Louis Le Ven qui convoyaient les bateaux pour sortir de la baie de la Penzé, particulièrement difficile à cause des nombreux rochers ;
  •  Jacques Cadoret, agent de liaison, prenant en charge les aviateurs alliés abattus en Sud-Bretagne pour assurer leur transport clandestin jusqu’à Carantec ;
  • Jean-François Le Coz et son épouse, agents d’opérations fournissant des matériaux pour la remise en état des bateaux.
Ernest Sibiril a fait de son chantier naval de Carantec un centre d’évasion vers l’Angleterre, dès 1940. On voit ici, à bord du Météor, Michel Le Gouer fumant la pipe, et derrière lui, Jacques Cranou qui roule une cigarette. © Collection Alain Sibiril

Rappelons que le littoral nord-finistérien et, en particulier, la bande côtière était classée par les allemands « zone interdite ». De nombreux blockhaus avaient été construits par l’organisation TODT, munis de canons de récupération dont certains provenant de la ligne Maginot, des postes de guet mis en place, équipés de mitrailleuses. Les passages donnant accès à la mer, par ailleurs minés, étaient particulièrement surveillés. Enfin, un contrôle strict avait été instauré sur les activités de pêche avec fichage de tous les bateaux navigant ou désarmés. Cela permettait à l’occupant d’exercer une surveillance permanente avec prise d’otages en cas de disparition de bateaux.

Seul un petit nombre de patrons pêcheurs recevait une autorisation de pêcher de 7 à 19 heures dans une zone délimitée allant de la Pointe de Bloscon à celle de Primel. Toute sortie hors de cette limite entraînait immédiatement par des tirs de mitrailleuse dissuasifs. De plus en janvier 1941, l’amiral commandant en chef des forces de la Kriegsmarine dans le secteur occidental de la France avait interdit la pêche en haute mer dans le département du Finistère.

L’organisation des départs :

Pour échapper à ces contrôles, Ernest Sibiril eut l’idée de rechercher des « épaves » non fichées qu’ils achetaient officiellement, dans le but de récupérer tout ce qui pouvait l’être afin d’assurer, en cette période de grande pénurie, l’entretien des quelques bateaux autorisés à naviguer. Mais, au lieu de démanteler les épaves, ils les faisaient remettre clandestinement en état en récupérant sur d’autres bateaux voile, mât, le moteur provenant le plus souvent d’une voiture. Pour chaque départ, chacun des volontaires payait sa part pour la restauration du bateau.

Les candidats au départ, prisonniers évadés, résistants recherchés par la police allemande, agents de services de renseignements alliés, aviateurs anglo-américains tombés en parachute et cherchant à regagner leur base, étaient le plus souvent hébergés chez les Sibiril, logés et nourris gratuitement. La demeure familiale jouxtait le chantier qui donnait, lui, directement sur la grève. Toutefois, une très grande prudence était de mise puisque la propriété, sise au fond de l’impasse Dugay Trouin, était bordée à droite et à gauche par deux propriétés et, sur l’arrière, par deux villas, occupées par 75 officiers et soldats allemands. Aussi, aucune sortie n’était possible avant le départ qui dépendait des conditions de météo et de marée et aussi de la présence, parmi les candidats au départ, d’un barreur expérimenté : marin, patron-pêcheur, plaisancier confirmé, yachtman.

Concernant les conditions de marée, il fallait tout d’abord attendre une pleine mer, vers 23 heures, afin de profiter du courant descendant pour sortir de la baie en s’aidant des avirons. En effet, les voiles auraient rendu le bateau trop visible pendant cette partie initiale du parcours, soit environ deux kilomètres, et il n’était pas davantage possible de lancer le moteur avant de s’être éloigné de cinq à six kilomètres de la cote pour éviter d’attirer l’attention des postes d’observation allemands. Il était préférable aussi d’attendre une nuit sans lune, pour échapper à la vue des postes de guet et d’éventuelles patrouilles, ce pour quoi également toutes les coques étaient peintes en noir mat, les voiles en marron foncé. Les personnes préposées à la manœuvre portaient des vêtements sombres et les autres passagers devaient se dissimuler au fond de la cale.

L’embarquement proprement dit se déroulait le plus souvent selon le plan suivant :

– vers 22 heures, Alain Sibiril , son oncle Léon et Jean Caroff quittaient le domicile pour aller surveiller le bord de la grève, de chaque côté du hangar et à l’entrée du jardin. La rue Dugay-Trouin se terminant en cul-de-sac, une quatrième personne, souvent Jean-Louis Jacq, assurait la liaison entre les trois guetteurs et la maison. En effet, les patrouilles allemandes longeaient habituellement la grève, allant du port au fond de la baie en passant à proximité du chantier ;

– après trois-quarts d’heure environ, si rien de suspect n’avait été remarqué, les guetteurs informaient Ernest Sibiril ;

– alors par groupes de quatre, les évadés, guidés par un membre du réseau, étaient conduits jusqu’à la cale, puis transportés à l’aide d’une plate manœuvrée le plus souvent par l’un des frères Le Ven jusqu’au bateau.

Ce dernier avait été  sorti quelque temps avant de sa cachette et dissimulé le long d’un vieux chalutier fécampois La Jeannette qui masquait les manœuvres d’embarquement; enfin, s’il y avait du courrier à transmette, il était placé dans une valise lestée de pierres pour la faire disparaître en cas d’interception par les Allemands ;

– alors, le bateau quittait la baie, à l’aviron, poussé par le courant de jusant ; le plus souvent il était piloté par un des frères Le Ven,  qui le guidait parmi les nombreux rochers ; quand il était parvenu au-delà des hauts fonds et écueils, le pilote quittait le bateau pour rejoindre à la rame, dans un petit canot, l’île Callot ;

– après le passage des postes de guet les plus proches, les voiles établies, la bateau prenait progressivement de la vitesse. Quand on s’estimait assez éloigné de la côte, après deux à trois heures de route environ, on lançait le moteur tout en prenant un cap plein Nord, pour une traversée d’une durée moyenne de 23 heures.

Si certaines traversées connurent des conditions limites avec vents de force 8 échelle de Beaufort et très forte houle, si certains passagers subirent les terribles affres du mal de mer, tous, soit quelques 170 Anglais, Canadiens, Américains et Français parvinrent sains et saufs jusqu’à la côte anglaise où, dans la plupart des cas, les vedettes et les chalutiers armés de la défense côtière anglaise venaient à leur rencontre pour les accompagner jusqu’au port le plus proche. Puis, les jours suivants, les passagers étaient transférés à la Royal Patriotic School de Londres où ils devaient subir des interrogatoires afin de s’assurer de leurs intentions. Par la suite, ils étaient le plus souvent intégrés dans les Forces Françaises Libres ( FFL).

À Carantec, après le départ du bateau, les quatre guetteurs restaient environ une heure à leur poste, à l’écoute du moindre bruit que pouvait déclencher l’opération : tirs, faisceau de projecteur, ce qui signifierait que l’évasion avait été découverte et qu’il fallait agir promptement pour éviter l’arrestation des personnes concernées sur place. Puis toute l’équipe se retrouvait dans la maison des Sibiril attendant l’aube et la fin du couvre-feu pour se disperser.

L’intégration dans le réseau ALLIANCE

Fin janvier-début février 1943, Ernest Sibiril avait rencontré à Brest le responsable local du réseau de renseignements « Alliance », Maurice Gillet*, alias « Licorne», qui lui demanda de faire passer des agents du réseau menacés ainsi que le courrier, ce qu’Ernest accepta.

En effet, à partir du printemps 1942, le réseau  « Alliance » commença à s’implanter en Bretagne. Un lieutenant aviateur originaire de Redon, Lucien Poulard,* alias « Mathurin » adjoint au commandant Faye, était revenu dans sa région. Il créa 1e secteur « Chapelle» qui couvrit la région Bretagne et s’étendit aussi jusqu’aux villes de Laval, du Mans et même d’Angers. Dans le courant de l’année 1942, trois sous secteurs étaient organisés :

– pour le secteur de Rennes – Le Mans: responsable Pierre Le Tullier* alias «Daim».

– pour le secteur de Nantes – Angers: responsable André Coindeau*, ingénieur de direction de travaux, agent «S 7 » alias Urus;

– pour le secteur de Brest : responsable Maurice Gillet alias « Licorne », courtier maritime à Brest, responsable également d’une base locale d’ opérations maritimes lié au sous réseau Sea Star- Alliance dirigé par Joël Lemoigne*. René Premel*, alias « Grèbe », manœuvre à l’arsenal de Brest.

Ce dernier faisait fonction d’ opérateur-radio et quasi quotidiennement il transmettait des informations aux services britanniques, informations provenant également d’un agent du réseau, Jacques Stosskopf*, responsable des constructions neuves, depuis 1938 à l’arsenal de Lorient . Ainsi, grâce à la filière mise en place par Ernest Sibiril, Maurice Gillet put- il aussi faire acheminer par mer de nombreux documents, plans, cartes des défenses et installations allemandes, mouvements de leurs navires et sous marins, détails sur les aérodromes, courrier des réseaux , les doubles n’étant détruits qu’après que la B.B.C. eut fait savoir, par les phrases convenues, que les originaux étaient arrivés en lieu sûr.

Les départs vers l’Angleterre de juillet 1942 à juillet 1943

Après « l’évasion » de Jacques Guéguen , les départs suivants furent organisés.

Le 20 juillet 1942, à bord de la Monique, cotre de 5,50 mètres barré par Alain Beaugé, Morlaisien, yachtman expérimenté, prirent place cinq hommes , tous originaires de Morlaix, volontaires pour s’engager dans les Forces Françaises Libres. Ils parvinrent sans encombre en Angleterre.

Le 5 févier 1943 , vers 20 heures 30, l’Yvonne , cotre de 5,90 mètres, barré par Jean Rioual, marin pêcheur de Riec-sur-Bélon, emportait onze passagers: Jean-Baptiste Allard, radio à la Préfecture de police de Paris membre du réseau Alliance, Albert Billard, son adjoint, Christian BinetRené Bolloré propriétaire des papeteries OCB, Georges Coste originaire de Riec sur Belon, Roger Esperonnier, banquier, membre du réseau Alliance, Claude de Laguiche, jeune Saint-cyrien, et deux aviateurs américains de la 8e USAAF, Mark L. MC Dermott et Sébastien Vogel, enfin Reginald Smith, pilote de la RAF.

Ce dernier caché tout d’abord dans la région parisienne avait été pris en charge par les époux Campichini, médecin et infirmière, aidés par Roger Esperonnier pour organiser son transport jusqu’au domicile de René Bolloré et ensuite à Carantec dans une camionnette conduite par Élie L’Helgouarc’h, employé de l’usine Bolloré .

Les deux aviateurs américains appartenaient à l’équipage du B 17 set n 4124584 du 303e BG, 427 BS, tombé à Edern le 23 janvier 1943 après un bombardement de Lorient. Blessés tous deux, l’un aux jambes par des éclats, l’autre à la cheville, ils furent recueillis, soignés, habillés par des habitants du Cloître Pleyben, puis de Châteauneuf du Faou, pris en charge par M. Cadoret, ostréiculteur à Riec-sur-Bélon, avant d’être confiés à son beau-frère Georges Coste, lui aussi ostréiculteur, mais à Morlaix, qui les conduisit le 2 février 1943 à Carantec .

Outre ces onze passagers, l’Yvonne emportait une valise contenant des documents confiés par Maurice Gillet à Ernest Sibiril.

La traversée dura vingt-cinq heures et le 8 février la BBC diffusait le message personnel convenu confirmant la réussite de l’opération «les arbres fruitiers ne sont toujours pas en fleurs ».

  • Jean Rioual, le skipper, intégra l’équipage de l’escorteur Roselys Forces Aériennes Françaises Libres ( FAFL) préposé à la protection des convois à travers l’Atlantique. Georges Coste, fit partie du commando Kieffer (Bérets verts) et débarqua le 6 juin 1944 devant Ouistreham.
  • Claude de Laguiche, engagé dans les FFL sous le nom de Pascal Follin, débarqua à Utah Beach le 3 août 1944 en qualité de chef de peloton et fut tué le 11 août 1944 à La Hutte, près d’Alençon, alors qu’il venait de détruire une pièce anti-char de 75 m/m. et sommait les servants de se rendre.

Le 6 mars 1943, le S’ils te Mordent, cotre de 6,70 mètres appareillait avec à son bord Étienne Couliou, et Valentin Souflez, marins-pêcheurs de Riec-sur-Bélon, Robert Guyader, quartier maître de marine, Gwenn-Aél Bolloré, frère de René parti sur l’Yvonne le 5 février, son cousin Marc Thubé de Paris, qui venait de recevoir sa fiche de départ pour le Service du travail obligatoire. Ces deux jeunes gens avaient été mis en rapport avec Ernest Sibiril, par l’intermédiaire d’ Alfred Jassaud*, alias Bison, alors adjoint au responsable Alliance du secteur de Normandie. Le frère de ce dernier, Marcel Jassaud, agent de liaison du secteur Méditerranée d’ Alliance, faisait aussi partie du voyage, ainsi qu’un jeune Saint-cyrien Jean-Paul Martin, agent d’Alliance dans l’est, et deux aviateurs : Michel Fourquet, beau-frère de Jean Sainteny*, alias Dragon , responsable du secteur Cotentin d’Alliance, et Bertrand du Pouget , alias Navarre. Le cotre emportait également du courrier remis par l’antenne de Brest. Il parvint en Angleterre le 8 mars vers 8 heures. Le message de réussite diffusé par la BBC était: « À cœur vaillant, rien d’impossible

Étienne Couliou et Valentin Souflez son cousin, s’engagèrent dans les Forces Navales Françaises Libres ( FNFL). Gwen-Aël Bolloré et Marc Thubé, intégrés dans le commando du capitaine Kieffer débarquèrent à Ouistreham le 6 juin 1944. Marcel Jassaud effectua la campagne d’Italie dans le corps expéditionnaire du général Juin. Jean-Paul Martin, s’engagea dans les FFL. Le commandant Michel Fourquet, engagé dans les Forces Aériennes Françaises Libres comme Bertrand du Pouget, commanda le groupe Lorraine de Bombardement Squadron 342 du 15 mars au 6 novembre 1944. Robert Guyader entra au BCRA et fut envoyé en mission en FranceDéposé par Lysander près de Nangis, il fut arrêté le 8 juillet 1944 et déporté à Buchenwald, d’où il revint le 4 mai 1945.

Le 29 mars 1943le Jeangoémonier de 6.75 mètres, emportait 18 passagers vers l’Angleterre. Parmi ceux qui ont été identifiés se trouvait Lucienne Cloarec de Morlaix dont le frère, résistant de 29 ans, avait été fusillé en 1942, accompagnée de quatre autres candidats au départ que sa mère avait hébergés, trois d’entre eux depuis le 6 mars : Louis KernanecFrançois Hélias et Alex Priac, amis d’une cousine, ainsi qu’un aviateur américain, Ernest T. Moryarty, appartenant à l’équipage du B17  308e BS , tombé en flammes à Plémy après le bombardement de Rennes, le 8 mars 1943 . Après son saut en parachute, Moryarty était parvenu à échapper aux recherches des militaires allemands en se cachant chez des particuliers à Trébry, Collinée, puis aux Ponts-Neufs en Hillion, puis avait été pris en charge, par M. Quéré, pépiniériste à Saint-Brieuc, qui, connaissant bien la famille Cloarec l’avait conduit jusqu’à Morlaix. Puis, ces candidats au départ avaient été cachés au domicile de M. Prigent à Henvic.

Parmi les autres volontaires se trouvaient notamment Jean Gestalin, patron pêcheur de Landmeur, qui allait barrer l’embarcation, Guillaume Rioual, pêcheur de Losten-Voën étaient hébergés à Carantec dans l’établissement ostréicole de Jacques Cadoret, où ils furent rejoint par Jean Bodolec, officier, qui s’était vu confier le courrier d’Alliance, puis, par Marcel et Jean Donval, François Hémon, Jean Jourdren Jean Person, François Prigent Marcel Roger, et un imprimeur clandestin du Havre. Joseph dit Jos Boulic de Kerambosser, Yves Cadiou, et Roger Marrec de Pont-Aven furent contraints, eux de prendre une chambre dans le bureau de tabac face à l’église, ce qui intrigua d’ailleurs les Feldgendarmes. Le départ, le 29 mars, eut heureusement lieu avant plus amples investigations de leur part, celles-ci s’étant limitées à une audition du buraliste

Après une traversée particulièrement mouvementée qui dura deux jours, le Jean fut pris en remorque par une vedette de la Royal Navy venue du port de Salcombe. Le samedi 3 avril 1943, les ondes de la BBC diffusèrent le message convenu « Le soleil se lève à l’ouest et se couche à l’est» signifiant l’arrivée sains et saufs des 18 passagers du Jean.

Le 4 avril 1943, ce fut à la Janebarque de 4,90 mètres, le plus petit bateau ayant quitté Carantec, d’appareiller avec à son bord cinq passagers. Parmi eux se trouvaient Jean Jourdren, pilote de la Baie de Morlaix, Maryvonne Jégo, troisième femme volontaire pour la traversée et trois personnes dont l’identité n’a pas été retrouvée à ce jour, originaires de Locquénolé. Ils eurent la chance d’être secourus à 35 milles des côtes anglaises par une vedette rapide de la Royal Navy et conduits à Plymouth.

Le 29 avril 1943, le Red Atao« Celui qui file tout le temps », ou « qui va toujours de l’avant », cotre de 5.50 mètres, barré par Jean-Pierre Mercier, quittait Carantec avec quatre autres passagers venant de Locquirec, le frère de Jean-Pierre, Gérard MercierJean Brouézec et Henri de Bivé, ou de Morlaix comme Yves Gourvil . Depuis le printemps 1942, les frères Mercier qui résidaient alors à Cagnes Sur Mer, avaient cherché à rejoindre les forces du Général de Gaulle en Angleterre, renonçant à passer par l’Espagne et choisissant la Bretagne où ils connaissaient la famille Albert qui les hébergea à partir de février 1943, ainsi qu’Ernest Sibiril, pour avoir été, avant guerre, des clients plaisanciers.

Ils parvinrent en Angleterre dans la journée du 30 avril. Lors d’une des émissions «Les Français parlent aux Français», le message convenu : « Gérard et Jean de Port-Fouad sont bien arrivés. » confirma aux familles la réussite de la traversée. Jean-Pierre Mercier devint pilote de chasse dans les FAFL, Gérard Mercier Lieutenant, chef de char dans la 2e DB. Henri de Bivé et Jean Brouëzec entrèrent dans les Forces Françaises Libres. Quant à Yves Gourvil, il devint pilote dans la RAF.

Le 11 mai 1943 vers minuit, le Tore Bennou « Casse-tête », un bateau de pêche de 6.70 mètres, appareilla de l’anse de Carantec. Il était barré par Jean Péron, patron pêcheur, et emportait onze autres passagers, Gilles CochardRoger DelayeLouis Herlédan, marin pêcheur, Louis JourdrenPaul Krebel, de Morlaix, Jean Le Men et trois aviateurs, les lieutenants Charles Christienne et Robert Roussillat, originaires de Lorient, comme Jean Le Page et le capitaine René Le Boëtte venu de Versailles avec son ami Jean-Baptiste Tricaud. Ils parvinrent au port de Porthleven le 13 mai vers 6 heures. Deux jours plus tard, le message suivant fut diffusé par la BBC « Qu’il est dur le chemin qui conduit à sa belle».

Tous entrèrent dans les Forces Françaises libres, notamment Jean-Baptiste Tricaud dans les FNFL, Charles Christienne, René Le Boëtte et Robert Roussillat dans les FAFL et Jean Le Men intégra le commando Kieffer.

Le 29 mai 1943, eut lieu le départ simultané de deux cotres, le Kermorde 5.60 mètres, doté d’un petit roof et le Météorde 6 mètres . Ces deux bateaux emportaient 25 personnes réparties de la manière suivante:

– Sur le Météor :le barreur Yvan Clech, agent d’un réseau menacé, agissant près de Blois, et son ami, Émile JégouJacques Crouan, Charles-Noël GuyaderRaymond Kerrien, Émile Léon, patron pêcheur, Michel Le Gouèr, médecin, Yvonne PétrementHarold E. Tilbury, aviateur américain, qui faisant partie de l’équipage d’un B17 abattu au-dessus de Moêlan, le 17 mai 1943, après avoir bombardé Lorient. Ce dernier avait été recueilli par des résistants qui lui fournirent vêtements civils et papiers d’identité sur lesquels il était sensé s’appeler Yves Toulouat et être sourd et muet. Enfin quatre Saint-Cyriens : Louis de GuibertChristian de TruchisAndré Faury, et Pierre Saindrenan. Ces derniers avaient quitté Aix-en-Provence le 3 décembre 1942 après l’entrée des Allemands zone libre, pour rejoindre la France Libre. Louis de Guibert, réfugié chez ses parents à Saint Brieuc avait appris l’existence de la filière d’évasion d’Ernest Sibiril, par Monsieur Quéré, pépiniériste paysagiste originaire qui avait déjà conduit l’ aviateur américain Moryarty, chez Cloarec lors du départ du Jean. Quéré fournit aux quatre volontaires des certificats de travailles faisant passer pour ses employés de façon à leur permettre de circuler en zone côtière interdite.

– Sur le Kermor : Jean DonnardAdolphe HamonouPaul Le DisèsMaurice Le GallÉmile Le Hô, pêcheur de Carantec Jean LéonAndré L’Hour Robert MadecRobert MoguérouAmbroise MorizurJean Pleyber, et un certain Chauvin.

Le matin du 31 mai, ils arrivèrent en vue de Plymouth, et furent remorqués jusqu’au port par un escorteur anglais. Le message codé suivant fut diffusé : «Trois Saint-Cyriens sont sortis de l’enfer».

Dès le 12 août, les quatre Saint-Cyriens, à leur demande, embarquèrent à Liverpool pour Alger, Pierre Saindrenan et Christian de Truchis, débarqueraient en Normandie en août 1944, André Faury en Provence. Les autres reçurent diverses affectations au sein des FFL, plus particulièrement :

dans les FNFL, Émile Jégou Raymond Kerrien André L’Hour Émile et Jean Léon Robert Madec

dans les FAFL, Yvan Clech, Jacques Crouan et Jean Donnard, dans le commando Kieffer, Robert Moguérou et Charles-Noël Guyader, dans les SAS, Adolphe Hamonou et Ambroise Morizur parachuté dans la nuit du 7 au 8 juin 1944 en Bretagne (équipe Cooney),

dans la 2e DB, Michel Le Gouër, enfin Maurice Le Gall dans 1ère DFL et Yvonne Pétrement dans le service administratif de la France Libre.

Le 7 juin 1943, vers 23 heures le Saint-Yvessablier de la Penzé de 11 mètres, que son propriétaire M.Le Lez venait de vendre à Ernest Sibiril, quitta Carantec.

Son départ avait été avancé d’un jour car les Allemands, intrigués par la disparition de bateaux, avaient décidé, à partir du 8 juin, de placer un pêcheur de garde la nuit au port de Carantec afin de surveiller les embarcations mouillées sur l’estran. Au cas où un nouveau départ se produirait, ils menaçaient de le fusiller. M. Le Lez avait pris la précaution de porter plainte pour le vol d’un bateau désarmé, pour échapper à toutes représailles.

Le Saint Yves, barré par Olivier Le Borgne, pêcheur, âgé de 21 ans, menacé par le Service du Travail Obligatoire, emportait 22 autres passagers, dont 16 jeunes gens originaires de Carantec. Parmi ces passagers se trouvaient: le Docteur Bertrand de Kerautem de Morlaix, 33 ans, le plus âgé du groupe, Ernest Léon, 16 ans, le plus jeune, Jacques BatailleAlain Clédic, Louis GalliouOliver GuivarchPierre HerryJacques JametJean Kerleroux, ouvrier-tailleur, Albert Keroulé, Pierre Le DucCharles Mériadec François Moguérou, Didier Paugam, Félix Perrin, Gervais et René Person, de Plabennec, Hervé Quéré.

La traversée, jusqu’au port de Fowey, dura vingt-deux heures. La BBC diffusa le message suivant confirmant la réussite de l’opération « Fidèle a retrouvé son maître », message proposé par Olivier Le Borgne. En effet, ses parents qui habitaient sur le port, avaient hébergé Mme de Gaulle et sa belle-sœur Mme Vendroux en juin 1940. Lorsque les membres de la famille avaient dû quitter précipitamment Carantec pour Brest, d’où ils purent gagner l’Angleterre, ils confièrent leur chien Fidèle à la famille de leur hôte, d’où le libellé du message proposé par Olivier afin de rassurer ses parents ainsi que les autres familles des évadés.

Ces volontaires reçurent diverses affectations au sein des FFL, plus particulièrement dans les FNFL: Alain ClédicLouis GalliouPierre HerryJacques JametAlbert Keroulé, Pierre Le DucErnest LéonFrançois MoguérouHervé QuéréOlivier Le BorgneGervais Person,

dans les FAFL, Gervais René Person

dans le commando Kieffer, Oliver Guivarch

dans les SAS, Charles Mériadec, parachuté sur la base Dingson pour la bataille de Saint-Marcel en juin 1944, Jacques Bataille,

dans la 1ère DFL, Bertrand de Kerautem, Didier Paugam, Félix Perrin

enfin Olivier Le Borgne et René Person intégrèrent le Coastal Command sur hydravion et Jean Kerleroux, devint marin de commerce à bord des cargos des convois de l’Atlantique.

Le 17 juin 1943 l’Armorick , cotre de 5,75 mètres prit en charge sur l’île Callot 13 passagers. Le 18 juin, suite au bris de la manivelle, le moteur ne pût être remis en marche et le bateau dériva pendant 3 jours avant de revenir vers les cotes françaises à l’île Grande en Ploemeur Bodou. 10 passagers purent revenir sur Trebeurden puis Carantec pour se cacher à nouveau.

Trois marins Julien KerrienAndré Moguérou et Jean Pirou furent accueillis et cachés par une femme sur l’Ile Grande et parvinrent à faire repartir l’ Armorick et à rejoindre l’île Calot le 22 juin, où le moteur fut réparé par Etienne Le Ven et Armand Léon, et les trois marins reprirent la mer le 23 juin à 23 heures pour arriver sans encombre le 25 à 5 heures du matin à Plymouth. Ils firent part de leur succès par le message : « Neptune protège ceux qui partent ». Jean Kerrien s’engagea dans les FNFL sur la frégate Escarmouche, Jean Pirou dans la 2e DB, André Moguérou dans les commandos.

La menace de la répression

Courant juillet, les habitants de l’l’île Callot avaient eu connaissance de l’intention des allemands de faire évacuer tous les habitants de l’île. Il semblerait en effet que les allemands eussent été persuadés, selon des renseignements collectés par leurs agents, qu’ Ernest Sibiril assurait la liaison avec une vedette anglaise en mission sur la côte, en particulier à partir de la pointe nord de l’île Callot.

Ernest Sibiril

De plus, le 23 juin Ernest Sibiril avait reçu un message en provenance de Londres l’avertissant d’un danger imminent. « Ernest rejoindra immédiatement Adolphe Lapierre ( nom d’un agent de liaison connu d’Ernest) ; gare au frégaton ( c’est à dire un espion allemand) .» Rappelons que, suite à la trahison d’un agent du réseau Alliance, Paul Lien, alors à Dijon, une première série d’arrestations avait eu lieu entre fin janvier et mars 1943, dans les régions du Sud, Toulouse, Béziers, et Provence.

Le 18 juillet 1943, le chantier et la maison Sibiril furent cernés par des forces allemandes de sécurité. Heureusement, la maison était vide, Ernest et son épouse se trouvant chez leur frère Léon, souffrant et alité, alors que leur fils Alain se trouvait en sécurité, depuis 24 heures, chez les époux Jacq à Henvic, localité située à quatre kilomètres de leur résidence. Averti par voisin, Monsieur Hénaff, instituteur, de l’intervention en cours, Ernest Sibiril décida de fuir avec son épouse et rejoindre leur fils à Henvic. Malgré une perquisition en règle de la maison avec armoires et commodes éventrées, matelas et coussins découpés au poignard, les Allemands ne trouvèrent ni documents ni papiers compromettants.

Mais les membres du réseau et notamment ceux demeurant sur l’île Calot se sentirent tous menacés. C’est sans doute pourquoi, malgré les risques, Louis Le Ven, patron-pêcheur, propriétaire d’un goémonier de 6.50 mètres, le Pirate décida de rejoindre l’Angleterre et en informa ses proches et compagnons de combat.

Le 23 juillet 1943, vers midi, profitant d’un temps brumeux, le Pirate prenait la mer, barré par Louis Le Ven . Avaient pris place à bord Joseph, Étienne et Jean Le VenMarcel Diguer, goémonier et Roger Le Prêtre, matelot de Louis. 26 heures plus tard, le Pirate atteignait le port de Penzance. Les six hommes s’engagèrent dans les FNFL

Le passage dans la clandestinité de la famille SIBIRIL et le départ d’Ernest SIBIRIL vers l’Angleterre le 31 octobre 1943

Ernest Sibiril se savait recherché. Aussi, Jean-Louis Jacq propos a-t-il de conduire la famille à Brest chez les frères Pierre et René Guézennec*, où les membres du réseau Alliance avaient prévu, de se ménager une cache en cas de coup dur. Dès le 23 juillet, sous couvert d’un déménagement et s’étant procuré un faux « Ausweiss » Jean-Louis Jacq transporta donc Ernest Louise et Alain, dissimulés à l’intérieur de deux armoires, chez les Guézennec, où ils restèrent six semaines, prenant d’ailleurs part avec René Guézennec à la collecte d’informations sur l’emplacement des batteries de Flak sous prétexte de recherches botaniques.

Au cours du mois d’août, Ernest Sibiril parvint à prendre attache avec un ami, Jean-François Le Coz, exploitant une scierie à Botsorhel, qui avait proposé de l’héberger en cas de problème avec l’occupant.

Ainsi, début septembre, sous la fausse identité des Tanguy, réfugiés de Brest, la famille Sibiril s’installa-t-elle à Botsorhel, près Guerlesquin, non loin de Carantec.

Décidé à rejoindre l’Angleterre, Ernest Sibiril reprit contact avec son père, Alain, resté à Carantec, comme son frère Léon et son beau frère Jean Caroff. Comme il était désormais impossible de se procurer un bateau pour s’évader, les Allemands menaçant d’exécuter des otages en cas de disparition de navire, Alain et Léon Sibiril aidés par deux anciens ouvriers du chantier, François Bernard et François Scouarnec, ainsi qu’Alain Baron mécanicien, entreprirent de construire un bateau . Ils parvinrent en onze jours à construire, le cotre le Requinde 5.60 mètres de long sur 2.30 mètres de large, qui fut équipé d’une grande voile de goémonier prêtée par François Léon, de Callot, et de focs subtilisés sur un yacht en gardiennage depuis 1939.

Ernest Sibiril, son épouse Louise et leur fils Alain quittèrent Botsorhel pour Carantec, le 29 octobre et furent cachés par les époux François Léon dans un hangar, non loin de la maison où ces derniers avaient trouvé refuge dans une maison du parc suite à l’évacuation de l’île Callot. Le 31 octobre, tout était prêt pour le départ. Louise Sibiril et son fils Alain renoncèrent au départ sur l’insistance des grands parents maternels, ce qui les contraignit à une vie difficile dans la clandestinité jusqu’à la libération.

Le 31 octobre 1943, vers 23h 45, le Requin quittait Carantec. Outre Ernest Sibiril et son frère Léon se trouvaient à bord : Paul Daniel, Paul Fleuriot, Charles et Jean Guizien, un certain Lancien et Jean Quéquiner originaires de Morlaix et un aviateur anglais Georges Wood, abattu en janvier 1943 au cours d’un combat aérien non loin de l’aérodrome de Morlaix-Ploujean, qui avait été recueilli et caché à Morlaix par Mme Le Hô, puis à Carantec dans une maison que celle-ci louait où il fut ravitaillé par Mme Le Duc.

Après une traversée de 21 heures, le Requin atteignit le port de Plymouth. Le 2 novembre, la BBC diffusa, en soirée, le message codé suivant: «Les requins du Pacifique, Émile, Noël et leurs amis sont bien arrivés. » Tous les volontaires rejoignirent les FFL. Plus particulièrement Ernest Sibiril s’engagea dans les FNFL, comme son frère Léon et Paul Fleuriot. Ernest suivit un entraînement sur vedette rapide dans le but d’effectuer des missions nocturnes pour déposer ou récupérer des agents et des aviateurs alliés sur une côte qu’il connaissait parfaitement. Par la suite, à la demande de l’État-Major, il fut affecté comme pilote maritime à l’US Navy en vue du débarquement sur les côtes normandes.

Deux témoignages en hommage à Ernest Sibiril :

« Que dire d’Ernest Sibiril ? Sinon qu’il fut admirable. Ce Breton, né au bord de la mer, vivant de la mer, constructeur de bateaux de père en fils, était déjà âgé, du moins me le semblait-il à l’époque… Jacques Guéguen (soixante-dix ans) lui demanda de l’aider àfaire passer des patriotes en Angleterre en remettant en état son vieux bateau le Pourquoi Pas ? Ernest le fit avec enthousiasme et pensa même à les accompagner… Mais il réfléchit au service immense que son chantier pouvait rendre à la Résistance et il décida de prendre le risque de rester… L’aidèrent dans sa périlleuse entreprise, prenant eux aussi leur part de risque, sa femme, sonjeunefils Main, âgé de douze ans, et son frère Léon. J’ai souvent, après la guerre, revu celui que nous appe­lions… « Le Grand passeur »…Il construisit de nouveau de fort beaux voiliers, mais refusait de parler des « temps héroïques »… Il est mort en mer, ( le 2 mai 1961) allant avec sa plate, par un fort coup de vent de noroît « surveiller ses enfants » c’est-à-dire contrôler le mouillage de ses bateaux ».

Gwenn-Aël Bolloré, Archives Alain Sibiril (cité par Roger Huguen page 138 du livre ci-dessous mentionné)

«À eux deux, les maîtres constructeurs de navires, Ernest et Alain, avaient rendu possible la fuite vers l’Angleterre d’au moins 152 personnes dont 12 aviateurs alliés (**) en cavale: le monument érigé dans le cimetière de Carantec indique un total de 193, total supérieur peut-être du à l’addition des équipages de canots… À ce remarquable total doivent être ajoutés les traînards et les volontaires que Jacques Guéguen transporta en Angleterre après la réparation du moteur du Pourquoi Pas ? à la fin de juin 1940 permettant ainsi à Guéguen de reprendre ses évacuations. Aucun port de France ne peut s’enorgueillir d’une conduite aussi fière durant ces années sombres de la défaite et de l’humiliation que les villages de Carantec et du Pont de la Corde ».

Sir Brooks Richards, dans son livre Flottilles secrètespage 426.

**Selon Roger Huguen dans son livre Chantiers d’Evasions Carantec ( 1940-1944) Réseau SIBIRIL-ALLIANCE, ( page 142), livre à partir duquel le présent récapitulatif a été rédigé, il y aurait eu en fait : 6 aviateurs (4 de l’US air Force et 2 de la RAF) et 165 volontaires à partir de Carantec.

Le sort des membres d’Alliance mentionnés dans ce récit :

  • Maurice Gillet, alias Licorne – Né le 21 août 1914 à Móng Cái (Cochinchine française, Vietnam), exécuté le 1er septembre 1944 au camp de Natzweiler-Struthof, à Natzwiller (Bas-Rhin) ; courtier maritime ; résistant.
    Il était surnommé le « Sorcier de Brest » et portait dans la Résistance le pseudonyme de Chénet » et celui de « Licorne » au réseau Alliance Sa femme Marie sera exécutée à la prison de Pforzheim (Bade-Wurtemberg).
  • Lucien Poulard, alias Mathurin – Né le 02/12/1917 à Paris 13e (75) – Capitaine Aviateur – Résistant occupant le poste de second du secteur Nord du réseau « Alliance » – Fusillé – Mention « Mort en déportation », arrêté du 26/02/2013, mort à Heilbronn le 21/08/1944
  • Pierre Le Tullier, alias Daim – Né le 6 février 1914, inspecteur de la surveillance du territoire, chef du secteur de Rennes, arrêté le 30 septembre 1943 avec sa femme pour appartenance au réseau Alliance.  Déporté « NN » à Natzweiler le 20 mai 1944. Exécuté le 1er septembre 1944 à Natzweiler d’une balle dans la nuque et leurs cadavres brûlés ensuite au four crématoire.
  •  André Coindeau, alias Urus et S.7 – Né le 6 janvier 1906. Contrôleur maritime à Rochefort-sur-Mer. Chef du secteur de Chapelle, Loire-Inférieure-Maine, Maine-et-Loire. Arrêté lors d’un parachutage. Déporté en décembre 1943. Massacré avec 7 autres camarades le 23 novembre 1944 à Kehl.      
  • Joël Lemoigne. alias Triton – Né le 8 juillet 1912 à Brest. Fonctionnaire de la Marine, chef du réseau marine Seastar intégré au réseau Alliance. Arrêté en Bretagne en novembre 1943.  Déporté en Allemagne le 19 décembre 1943. Lieux de déportation : Kehl, Freiburg-im-Breisgau, Schwäbisch-Hall , Heilbronn. Condamné à mort par un tribunal, il est fusillé avec 23 autres camarades le  21 août 1944 à Heilbronn.
  • René Premel, alias Grèbe – Né le 6 juin 1902 à Brest (29). Manoeuvre à l’arsenal de Brest. Agent de renseignements du réseau Alliance et radio du secteur « Grèbe ». Arrêté le 17 septembre 1943. Lors de l’avance des Alliés sur le Rhin, il est extrait de la prison de Pforzheim le 30 novembre avec 16 autres hommes et 8 femmes pour être exécutés.
  •  Jacques Stosskopf, (surnom inconnu) – Né le 27 novembre 1898 à Paris. Polytechnicien, ingénieur du génie maritime, il a fourni à l’Amirauté britannique de manière continue, depuis l’arsenal de Lorient et via le réseau Alliance, de précieux renseignements sur les mouvements de sous-marins allemands. Il est arrêté le 21 février 1944.  Déporté « NN » à Natzweiler le 20 mai 1944. Le 1er septembre 1944 à Natzweiler au soir, une camionnette emmène jusqu’à l’aube 108 détenus du réseau alliance, par groupe de 12. Tous sont exécutés d’une balle dans la nuque et leurs cadavres brûlés ensuite au four crématoire.
  •  Alfred Jassaud, alias Bison – Né le 30/01/1920 à Marseille (13) – Résistant du réseau « Alliance » – Pseudo DARSAC Robert et Bison – Transféré à Freiburg an Brisgau, Schwäbisch Hall puis à Heibronn – Fusillé – Mention « Mort en déportation » arrêté du 07/07/1994
  • Jean Roger « Sainteny », alias Dragon – Né le 29 mai 1907 au Vésinet dans les Yvelines. Dès l’automne 1940, commence à grouper  des résistants autour de lui, dans le Cotentin. Octobre 1940, collabore avec Alliance, devenu Jean « Sainteny », mais est arrêté une première fois par la Wehrmacht en septembre 1941 à Colleville-sur-Mer. Relâché faute de preuves. Début 1942, met définitivement son réseau normand au service d’Alliance. Prend alors en main toute la Normandie pour le compte d’Alliance puis la région nord-est de la France. Démasqué en 1943, est arrêté par la Gestapo le 16 septembre mais réussi a lui échapper deux heures plus tard ; il doit alors vivre dans la clandestinité la plus absolue.          
  • Pierre Guézennec – Né le 9 janvier 1899 à Brest (29). Arrêté le 27 septembre 1943 pour appartenance au réseau Alliance. Représentant de la Marine, agent de renseignement. Déporté « NN » à Natzweiler le 20 mai 1944. Le 1er septembre 1944 à Natzweiler au soir, une camionnette emmène jusqu’à l’aube 108 détenus du réseau alliance, par groupe de 12. Tous sont exécutés d’une balle dans la nuque et leurs cadavres brûlés ensuite au four crématoire.
  • Guézenec René, frère de Pierre – Né le 25 juin 1905 à St-Marc (29). Arrêté le 27 septembre 1943 pour appartenance au réseau Alliance. Représentant de la Marine, agent de renseignement. Déporté « NN » à Natzweiler le 20 mai 1944. Le 1er septembre 1944 a subi le même sort que son frère Pierre.

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