Les relations entre services de renseignements en France durant le conflit furent complexes car les intérêts de l’intelligence Service, SOE , OSS et ceux de la France Libre de De Gaulle n’étaient pas alignés en termes d’objectifs. L’Alliance elle-même était des fois en conflit avec l’IS sur les objectifs et moyens à mettre en œuvre. C’est une indépendance que MM Fourcade a toujours souhaité garder pour son réseau.
Du coté allemand, les services de contre-espionnage, dont la tache était de traquer et détruire la résistance, étaient nombreux. Il y avait la police Militaire Geheime Feldpolizei, le service d’intelligence Militaire l’Abwher, et les services de sécurité SD/ Gestapo ainsi que le département Radio Défense des forces armées et la police.
Initialement, la Résistance était constituée de petits groupes isolés constitués par des individus patriotes. N’étant pas professionnel ils ne prenaient pas de précautions particulières, ils étaient facilement infiltrables par des agents. Ils furent ensuite mieux organisés et communiquèrent avec Londres par Radio.
Considérant l’attitude anti allemande de la population française et la proximité de la grande Bretagne, on aurait pu considérer que l’organisation des mouvements et réseaux de résistance soit aisée. Malheureusement pour les Alliés cela ne le fût pas. Les allemands furent entravés en termes d’efficacité, par leurs différents services de sécurité mais furent capables d’identifier, de guider des actions et de détruire un nombre incalculables de groupes de résistance ou partie de réseaux. Dans beaucoup de cas, ils arrivèrent à prendre contrôle d’une grande partie d’un groupe, en manœuvrant leurs agents doubles dans des positions stratégiques.
Ils s’engagèrent également dans des jeux de radios (« radio games ») avec les services britanniques. Après avoir capturé des opérateurs radios et leurs valises radios, ils émettent des faux messages à Londres, ou poussent les Anglais à donner des informations sur le réseau, voir à faire parachuter hommes et matériels dans des zones pièges. Avec le temps et pour contrer cela, l’opérateur radio avait en général un code indicatif spécifique, connu à l’avance de Londres, pour indiquer qu’il avait été forcé par l’ennemi à émettre un faux message.
En 1941/42, les principaux succès des allemands furent la liquidation des réseaux « Interalliés », « Autogiro », « Carte » et la première vague d’arrêts de membre du réseau « Alliance ». En Août 1942, ils menèrent une vaste opération de ratissage à Vichy en zone Libre destinée à débusquer les émetteurs radios, appelée opération « Aktion Donar ». Ils ont pu ainsi arrêter 6 à 12 émetteurs radios.
1943 fut l’année des plus grandes arrestations de groupes ou réseau de résistance. « Alliance » subit sa plus grosse vague d’arrestation cette année là par la délation d’agents doubles.
En dépit de leurs efforts, en 1944, la résistance avait augmentée exponentiellement. A la vue de la défaite de l’Allemagne, des personnes toujours plus nombreuses voulurent rejoindre les réseaux. Des déserteurs allemands rejoignirent également ceux-ci.
On peut se poser la question de savoir pourquoi le contre espionnage allemand a été si performant :
- Sabotage Vs espionnage
Le SOE en tant que réseau Action demandait un nombre considérable de personnes pour effectuer du sabotage, parachutage de matériel, planques, plastiqueurs, etc. Au contraire les réseaux d’espionnage comme « Alliance » devaient faire profil bas, être discrets. Les réseaux actions payèrent par leurs visibilités un lourd tribut rapidement. Le réseau « Alliance » plus difficile à appréhender pu rester actif même après plusieurs vagues meurtrière d’arrestations.
2. Antagonisme entre Alliés
Les relations entre les services secrets de la France libre, l’Intelligence Service, le SOE et l’OSS Américain, étaient antagonistes. L’Intelligence Service la plus expérimentée, n’avait aucun intérêt à aider le SOE débutant. Les Français Libres n’avaient pas confiance en l’IS en termes d’objectifs. « Alliance » travaillant exclusivement pour l’Intelligence Service ne partageait pas forcément ses informations avec les agents BCRA de De Gaulle. La résistance était donc fragmentée et donc fragilisée face à ses ennemis. Cette situation s’arrangea vers la fin du conflit.
3. Procédures de sécurité très faible au départ
Les procédures de sécurité n’étaient pas la priorité absolue au départ dans les réseaux. Les cafés, bars, restaurants, lieux de rencontres usuels en France, étaient utilisés aussi par les résistants. Les Allemands comprirent vite l’utilité de surveiller ces points de rencontre. Le réseau « Alliance » comprit rapidement l’importance du contact mobile de membres (Etat Major mobile géographiquement) dans ses opérations. Un radio pouvait avoir 14 points d’émission dans le même secteur.
De plus les réseaux souffraient par leurs nombres de membres et cloisonnement nécessaire de l’organisation, d’une possibilité importante de se faire infiltrer par des agents de l’ennemi.
4. Manipulations psychologiques
Les services de sécurité allemand avaient la réputation de torturer leurs prisonniers pour les faire parler mais ils s’étaient rendus compte que la manipulation psychologique était plus efficace que la violence physique. Combien de résistant ont eu leur famille prise en otage contre des renseignements ? Cependant beaucoup de prisonniers d’ « Alliance » furent maltraités, torturés par le SD, SS, Abwher ou autre service. Les membres d’ « Alliance » internés en Allemagne travaillaient 12 heures par jour avec une alimentation volontairement réduite pour les affaiblir.
5. Abwher Vs SD/Gestapo
Il y avait un réel problème de périmètre entre l’Abwher et le SD. La police militaire et politique chassait la même proie : le résistant. Il y avait donc volontairement un doublon d’activité et de personnel.
D’un coté le SD/Gestapo, police politique n’hésitait pas à torturer physiquement les prisonniers (cf. Klaus Barbie) alors que l’Abwher préférait en premier lieu la manipulation psychologique.
Il y avait souvent des conflits entre eux. Les profils des officiers de l’Abwher étaient complètement différents de ceux du SD : l’Abwher allant jusqu’à négocier avec les prisonniers afin de les retourner par un jeux gagnant-gagnant en respectant l’accord.
Le SD quant à lui, ne s’embarrassait pas de scrupules moraux. Seul le résultat comptait. L’extorsion d’informations en utilisant n’importe quel moyen était la règle. D’anciens voyous brutaux (dans certains ex détenus avant-guerre) rejoignirent ce service pour des raisons financières ou idéologiques.
Souvent, un double interrogatoire sciemment organisé par l’Abwher et SD/Gestapo , permettait de contraindre le prisonnier à parler en lui faisant croire que s’il ne parlait pas à l’interrogateur de l’Abwher, alors il passerait à l’interrogatoire de la Gestapo.
Un fait remarquable pour les membres prisonniers de l’Alliance est l’absence d’aveux quasi généraux de ses centaines de membres, quel que soient les méthodes inhumaines employées par les Nazis.
6. Les Agents Doubles
Les Allemands ont réussi à infiltrer quelques agents doubles dans le réseau « Alliance ».
Ceux-ci ont pu duper la confiance des recruteurs et après quelques semaines faire tomber des pans entiers de réseau. Ils pouvaient être eux-mêmes des agents retournés
7. Insécurité des transmissions
Les moyens de transmissions de l’information entre Londres et la France étaient limités.
Le courrier pouvait passer par bateaux ou avions par la Manche ou l’Espagne, mais cela impliquait de grouper le courrier. Ce courrier pouvait être intercepté par l’ennemi.
Ce moyen n’était pas une information urgente.
Passer l’information en temps réel était possible avec la Radio mais cela était une arme à double tranchant. Les émissions pouvaient également être interceptées et si le code était craqué, des agents pouvaient être identifiés. Les messages étaient encodés moins pour le contenu de l’information militaire, que pour protéger les agents, car des noms et adresses pouvaient figurer sur le message, permettant ainsi de démanteler tout le réseau.
Malheureusement pour l’IS les Allemands craquaient assez facilement les messages et son système de codage.
8. Le département de la Radio Défense et Referat Vauck
Les services en charge de l’interception des messages radio de la Résistance étaient le Département de la Radio défense du Haut Commandement Armée OKW FunkAbwher et un service similaire de la police régulière Ordnung Polizei. Les deux se complétaient en termes de couverture géographique de la France.
Ils étaient non seulement chargés de l’écoute, mais aussi de la localisation géographique, par triangulation, du site de l’émetteur ou DF (Direction Finding). Dans beaucoup de cas, l’opérateur radio d’Alliance était localisé puis arrêté en flagrant délit d’émission. Le code d’émission était récupéré par le service des agents du Dr Vauck. Cela permettait de « craquer » d’autres messages interceptés. Une des faiblesses du codage, était l’utilisation de livrets de codages fournis par l’IS et l’utilisation quasi systématique par les Alliés de poésie comme clés d’encodage.
9- Les résistants eux-mêmes
Etre résistant n’est pas une profession. La plupart d’entre eux étaient des individus qui n’avaient que leur intelligence pour arme. Il n’existait pas de formation, si ce n’est en interne du réseau. Les chefs étaient pour la plupart des officiers de l’armée, qui n’avaient rien d’espion. Il a donc fallu apprendre, mais heureusement les services allemands n’étaient pas non plus très organisés au début de la guerre, ce qui permit aux résistants anciens de se protéger efficacement. Mais les hommes se renouvellent et la fragilité du réseau s’en est ressenti durant toute la période. L’Abwher en profita pour infiltrer ses espions.
Source : http://chris-intel-corner.blogspot.fr/2012/10/german-counterintelligence-operations.html