Marie Madeleine Méric (Fourcade) – Hérisson

Note préalable de l’association

Ce fut une grande Dame, chef incontestable et incontesté du plus grand réseau de renseignement français pendant la deuxième guerre mondiale. Nous ne reviendrons pas dans cette courte présentation sur toutes les informations publiées sur Marie-Madeleine Méric : nous les reprenons dans notre documentation. Nous ne dévoilerons pas non plus des faits personnels qu’elle n’a pas voulu divulguer. Nous voulons simplement donner un avis plus vivant, moins connu, voire totalement inconnu.

Pour expliquer le caractère de cette femme, il faut revenir à sa jeunesse. Née Bridou dans une famille bourgeoise de haut niveau, elle fit ses premières études dans un couvent, le Couvent des Oiseaux. Elle ne le sut que plus tard, mais son père avait travaillé pour le 2e Bureau, ce qui lui donna certainement des principes d’éducation intéressant son avenir…
Elle épousa un officier, le colonel MERIC expatrié au Maroc, et eut deux enfants qu’elle ramena en France lors de leur séparation. Ce fut l’époque d’apprentissage de l’indépendance et de la responsabilité.
Elle eut alors l’opportunité, de par ses relations, de rencontrer le commandant Loustaunau-Lacau qui dirigeait plusieurs journaux d’extrême droite, dont « l’Ordre National », et s’engagea alors dans le milieu du journalisme comme sa secrétaire/collaboratrice. Ce fut l’époque du non conformisme, de la politique et du patriotisme.

Navarre, son premier patron, fut un homme lui aussi extraordinaire qui lui montra la voie, celle de la persuasion de soi-même pour pouvoir persuader les autres. “They didn’t know it was impossible so they did it.” (Mark Twain).
Elle avait 30 ans et ce passé, pour commander un réseau de résistance qui déjà possédait près de 150 membres. Elle avait en face d’elle des officiers de haut rang, « machos » s’il en est, souvent plus âgés. Seul son passé pouvait donc lui donner la force de « leur en imposer ».
Même les Anglais du MI6 furent estomaqués lorsqu’ils apprirent que Loustanau-Lacau était remplacé par une femme. Il leur fallu réfléchir avant d’estimer que sa valeur personnelle et le fait que l’ennemi ne pouvait imaginer qu’une femme dirigeait un tel réseau, étaient des atouts dans cette bataille.

Loustaunau-Lacau la définit ainsi : «Elle est le chef d’ état major, le pivot sans lequel rien ne peut tourner : elle a une mémoire d’éléphant, une prudence de serpent, un instinct de fouine, une persévérance de taupe et elle peut être méchante comme une panthère».

Pour l’un de ses premiers déplacements à Marseille, le responsable qui l’accueille n’en revient pas : «Peuchère, c’est une femme !!!».

Lorsque Léon Faye propose au colonel Edouard Kauffmann d’entrer au réseau, Faye a du mal à avouer à son ancien chef que le chef suprême du réseau est une femme. La décrivant avec brio, il souffle sa victoire lorsque le colonel lui répond : « alors je veux la voir ».
Quant on lit son livre « L’Arche de Noé » et qu’on lit ses notes, discours, pensées, on discerne aussi derrière cette force de conviction la faiblesse d’une femme : Marie-Madeleine n’était pas un homme, c’était une femme avec des sentiments de femme et elle en avait les qualités. Parfois même, ses sentiments ont pu la détourner de la meilleure décision à prendre. Mais elle savait toujours retomber sur ses pieds.

Et ce sont ces qualités de femme qui lui ont permis de s’occuper après guerre des morts et blessés. Elle n’abandonna pas ses résistants, ses amis, ses « enfants ».
On retrouve le battant de cette femme et son emprunte de résistante politique lorsqu’elle invite, à la totale surprise des autorités françaises, le commandant Massoud d’Afghanistan à Bayeux en 1981 et reçu par le député de la Manche Jean-Marie Daillet, après un refus de la Présidence de la République !
Et Marie-Madeleine avait gagnée : elle voulait mettre en avant de la politique internationale, ce résistant qu’elle estimait, qui lui ressemblait, engagé comme elle pendant l’occupation de la France pour la liberté de son pays. Un bel acte de bravoure de cette femme !
Marie-Madeleine Fourcade (elle prit ce nom par lequel elle fut connue après guerre par son dernier mariage) est enterrée au Père Lachaise. Notre association a eu l’avantage de nettoyer sa tombe en 2004.
Nous souhaitons que cet esprit généreux immortel reste un exemple de comportement avec ses amis du réseau pour les générations actuelles et futures du monde entier. Tel est le but de notre association L’ALLIANCE.

« Née le 8 novembre 1909 à Marseille, Marie-Madeleine BRIDOU est élevée dans des institutions religieuses. En 1937, elle est secrétaire générale des publications anticommunistes « L’ordre national » dirigées par le commandant Georges LOUSTAUNAU-LACAU.
C’est de ce saint-cyrien qu’elle recueille la charge du réseau Alliance dont elle fait, au service de l’Intelligence Service britannique, l’Arche de Noé, forte de trois mille agents dont quatre cent trente-huit mourront pour la France tels Alfred JASSAUD, le Bison de « L’Armée des ombres » qui avait dit :
« La victoire, c’est le sacrifice ».
Issue de la grande bourgeoisie, l’ancienne responsable du périodique L’Ordre national s’aperçut vite que trop de ses anciennes relations rêvaient de « tâches de rénovation en commun » avec les occupants nazis.
À Vichy, elle fut envahie par « une douleur pétrie d’humiliation et de rage impuissante ».
Chef d’état-major clandestin de LOUSTAUNAU-LACAU qu’elle remplace après son arrestation, elle ne remet jamais en cause le principe d’une affiliation directe « aux Anglais qui seuls conduisaient la guerre », et ce n’est qu’en avril 1944 que le S. R. Alliance est intégré aux services spéciaux de la France combattante.

Les femmes et les hommes d’Alliance veulent livrer un « combat sans idole », complémentaire de l’action nationale du général de GAULLE, mais ils sont plus dans
la ligne du général GIRAUD qu’ils aident à quitter la France.
Les questions de souveraineté nationale ne sont pas du ressort de ces techniciens du renseignement dont le premier chef avait soutenu que plus il y aurait de mouvements parallèles, plus la France libre serait forte.
Lorsqu’elle devient gaulliste à part entière, Marie-Madeleine FOURCADE est amenée à regretter ces « barrières absurdes » et le tournoi entre Français « pour conquérir l’honneur d’être les plus forts face à l’adversité ».

Le S.R. Alliance organise le quadrillage en secteurs de la zone non occupée pour recueillir des informations, faire tourner des courriers, organiser le passage d’hommes et de renseignements tant à travers la ligne de démarcation qu’à travers la frontière espagnole.
Le cœur du réseau est la centrale de renseignements où s’analysent les données recueillies et se préparent les missions en fonction des demandes britanniques.
Opérationnelle à Pau au début de 1941, elle fonctionne ensuite à Marseille puis à Toulouse avec un P.C., un point de chute, des points d’hébergement et de filtrage.
Les six personnes du noyau de base de juin 1940 se retrouvent plus de cinquante dès la Noël de 1940. « Unis dans l’allégresse d’une confiance inébranlable », ils sont les recruteurs de près de trois mille agents.
L’improvisation due à la défaite oblige à « n’utiliser que des volontaires, parfois plus turbulents qu’efficaces », mais la conception des noyaux – une source, une boîte aux lettres, un transmetteur, un radio pour les urgences – donne des résultats très positifs, même si les insuffisances du cloisonnement facilitent la répression.
À l’automne de 1941, le réseau de Marie-Madeleine FOURCADE, ce sont six émetteurs radio qui transmettent à Londres et l’esquisse d’une aérospatiale clandestine par avions lysanders.

Ce sont les agents de liaison qui sont chargés des services les plus ingrats : « des milliers de kilomètres par voie ferrée, des attentes interminables aux rendez-vous, des transports à vélo incessants de plis et de matériel compromettants ».
Dévouement et sens de l’organisation donnent des résultats.
Les renseignements s’ordonnent par secteurs : air, mer, terre, industries, résultats de bombardements, transports en cours d’opération, psychologique et politique.
Les indications sur les U-Boot présents en Méditerranée, sur ceux des bases de Lorient et de Saint-Nazaire servent à la guerre anti-sous-marine conduite par les Alliés pour protéger les convois de l’Atlantique. D’autres renseignements facilitent l’interception des renforts italiens envoyés à Rommel, permettent la connaissance précise des travaux de l’organisation Todt pour le mur de l’Atlantique et la mise au point d’une carte renseignée détaillée pour la zone du débarquement en Normandie (elle faisait 17 mètres de longueur !). Tous les auteurs de cette carte tombent ensuite aux mains de la police allemande, Gibet dans le langage codé du réseau. Ils sont massacrés à la prison de Caen, le 7 juin 1944. Le premier des quatre cent trente-huit martyrs du réseau est Henri SCHAERRER, fusillé le 13 novembre 1941 pour avoir livré de précieux renseignements sur les sous-marins allemands. L’Abwehr, la Gestapo et la police française provoquent des hécatombes à l’automne 1943 : plus de trois cents arrestations paralysant cinq centres émetteurs. Le réseau paye un lourd tribut d’arrestations, de déportations, de morts.

Malgré la peur et le chagrin, l’Alliance – Arche de Noé dont tous les membres portaient des noms d’animaux – se resserre autour de Marie-Madeleine FOURCADE, alias Hérisson. Des opérations en lysanders et en sous-marins, des émissions de radio manifestent que le réseau continue. Après trente-deux mois de clandestinité, Hérisson connaît Londres, où elle s’irrite des « antagonismes criminellement puérils des services secrets » et perçoit que ses camarades ne sont que « la chair à canon du Renseignement ». Soixante-quinze agents principaux, huit cents secondaires, dix-sept postes travaillent en juin 1944.

C’est une des raisons qui la fait revenir sur le terrain, en Provence, avant le débarquement d’août 1944 et qui l’incite à poursuivre des missions dans l’Est après la libération de Paris.
La victoire de 1945 permet de découvrir des charniers d’agents, et Hérisson plonge dans un « abîme de douleur » pour établir le sacrifice de quatre cent trente-huit des siens, du benjamin Robert BABAZ (20 ans) à la doyenne Marguerite JOB (70 ans) et au doyen quasi octogénaire, Albert LEGRIS, ou à des familles entières, tels le père et les trois fils CHANLIAU, agriculteurs. Pour Marie-Madeleine FOURCADE, les survivants sont la priorité absolue. Elle contribue à arracher un statut pour les veuves et les orphelins ; en 1948, on en compte dix-huit mille dépendant du comité des œuvres sociales de la Résistance.

Elle fait homologuer les trois mille membres de son réseau et les actions de ses héros qui ont lutté dans l’ombre, librement disciplinés, « l’imperméable pour uniforme ».

Elle continue à travailler pour l’Intelligence Service qu’elle avertit de menées communistes en 1946-1947. Elle se lance surtout dans l’aventure gaulliste, animant pour le R.P.F. la campagne du timbre. Après le retour du général de GAULLE, elle intègre la convention républicaine dans l’Union pour la Nouvelle République et siége au comité central de l’U.N.R. Elle est l’une des représentantes R.P.R. à l’Assemblée des Communautés européennes en 1981-1982 et préside la Défense des intérêts de la France en Europe.

Présidente du Comité d’Action de la Résistance à partir de 1963, Marie-Madeleine FOURCADE fédère dans ce comité une cinquantaine d’associations ou d’amicales d’anciens résistants. Elle contribue à éclairer la réalité du nazisme et du génocide juif. C’est dans cette perspective qu’elle est, en 1987, témoin à charge au procès BARBIE. Elle y fait preuve de la même vigueur que dans ses luttes passées et dans le récit des activités de son réseau paru chez Fayard, en 1968, sous le titre « L’Arche de Noé ».

Marie-Madeleine FOURCADE a lutté jusqu’au bout, en militante, notamment pour une solution pacifique de la crise libanaise. Elle est morte le 20 juillet 1989. Première femme dont les obsèques ont eu lieu en l’église Saint-Louis-des-Invalides, à Paris, où son corps, porté par des soldats du contingent, fut salué par les tambours de la garde républicaine, Marie-Madeleine FOURCADE a ainsi reçu un hommage exceptionnel. Au-delà de l’affliction personnelle exprimée par le Président de la République, la présence aux Invalides de toutes les tendances de la Résistance a marqué qu’elle restait un emblème unificateur de l’Armée des ombres, fidèle au message du commandant Faye, son compagnon supplicié : chassez les bourreaux, servez la France « pour y faire revenir la paix, le bonheur, les chansons, les fleurs et les auberges fleuries ».

Par Charles-Louis FOULON (Encyclopaedia Universalis)

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