Jack Meslin (Le Vairon) – Secteur Ferme

Jack Meslin, né à Leyde (Pays-Bas) le 7 avril 1914, décédé à Saint-Lô dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, est une personnalité de la Manche, médecin de profession et résistant.

Marié et père de deux enfants, Jack Meslin est domicilié à Cherbourg quand il est mobilisé en 1939. Il participe à la campagne de 1940 comme médecin-lieutenant. Fait prisonnier, il est affecté, en raison de sa connaissance de la langue allemande, au service chargé de la censure des lettres des prisonniers français.
En tant que médecin, il s’emploie à réformer les soldats français.
Libéré après dix mois de captivité en février 1941, il ouvre un cabinet médical à Cherbourg.
Début 1943, René LESEIGNEUR a fait connaissance avec André CONARD, préparateur en pharmacie, qui adhère avec enthousiasme au réseau, puis, par celui-ci, avec le Docteur Jack MESLIN alias « Le Vairon » ou « F.22 », médecin du  » Soldattenheim « , le dispensaire allemand. Ce dernier devient agent du groupe de Cherbourg. Ses fonctions et sa parfaite connaissance de la langue allemande lui permettent d’obtenir des informations d’ordre militaire au cours de conversations amicales avec le commandant WITZEL, Kreiskommandant, sur :
– les fortifications établies dans la Hague et sur les côtes nord et est du Cotentin ;
– les pistes d’envol en construction dans la presqu’île pour le lancement des missiles V. 1 et V. 2.
Il s’adonne, en outre, au sabotage du recrutement de jeunes gens pour le S.T.O. par :
– la délivrance de certificats médicaux attestant l’inaptitude au travail ;
– l’injection, en accord avec CONARD, avant leur comparution devant la commission compétente, d’un médicament provoquant un malaise passager, permettant leur exemption. Beaucoup de ces requis deviendront des réfractaires ou des résistants.

C’est au cours d’une visite médicale professionnelle qu’Alphonse LANGE fait la connaissance du docteur Jack MESLIN. Ils comprennent qu’ils appartiennent tous deux au même groupe et que leur activité est couverte par le sous-préfet Lionel AUDIGIER, ce qui détermine le nouvel agent à persévérer.
Jack MESLIN a obtenu le concours précieux d’Emile RAIMOND, ouvrier tourneur à la Pyrotechnie du Nardouét qui procède au sabotage des mines sous-marines qu’on y fabrique et à la neutralisation des mines anti-chars qui y sont déposées. Plusieurs fois, il se rend à Fermanville et à Barfleur pour repérer les champs de mines, et, à deux reprises, il effectue une reconnaissance dans les fortifications allemandes de Gréville-Hague. Avec son frère, Albert RAIMOND, mécanicien à la S.N.C.F., il observe les mouvements de troupes et repère les dépôts de munitions sur le territoire d’Octeville. Toutes les semaines, généralement un samedi, dans la salle arrière d’un débit, ils rendent compte au Docteur MESLIN des résultats de leurs investigations.

En novembre 1943, il est dénoncé comme gaulliste par la vicomtesse Élisa de Plinval et Marie-Louise Guéret. Cela est sans effet auprès de la Kreiskommandantur, mais la Gestapo, alertée, le surveille de plus en plus étroitement.
D’ailleurs le réseau national  » Alliance  » vient de subir un important coup de filet. Georges THOMINE (Cachalot), de Port-en-Bessin ordonne au groupe de Carentan de se « mettre au vert ». Raymond HAUGMARD, chef du secteur. et l’agent de liaison Jean TRUFFAUT trouvent un gîte sûr, pendant plusieurs semaines, dans une ferme près de Lison.
C’est en ce mois de décembre 1943 que le Maréchal ROMMEL, commandant les groupes d’armées du front ouest, en tournée d’inspection sur les côtes de la Manche, est reçu par le Kreiskommandant WITZEL. Avec la complicité de Thérèse COMPERE, le Docteur Jack MESLIN peut s’introduire, caché derrière la tenture d’une fenêtre, dans la salle à manger où était réuni l’état-major allemand, et noter tous les renseignements fournis par la conversation des officiers supérieurs au cours du repas ! Ses notes sont confiées à André CONARD qui les fait parvenir à René LESEIGNEUR pour diffusion aux Alliés par le poste émetteur qu’utilise l’ouvrier spécialiste de l’Arsenal, André LEBOULANGER.
Le poste émetteur du réseau, confié à René LESEIGNEUR et à son opérateur André Marcel LEBOULLENGER étant en panne, est remis au Docteur Jack MESLIN qui alerte au début de janvier Alphonse LANGE (Chetostome), inspecteur de police, en le priant de venir à son cabinet pour  » retirer son ordonnance « . Le Docteur MESLIN, fortement soupçonné par la Gestapo, estime que le poste sera mieux en sécurité au domicile d’un fonctionnaire de la police. LANGE emporte donc chez lui la valise contenant l’appareil et deux cartes d’état-major qu’il dissimule sous son lit.
Le 20 février 1944, Jack MESLIN (Le Vairon) lui demande de se rendre rue des Halles à Cherbourg où, à 11 heures, il doit remettre à Jean TRUFFAUT la précieuse valise. Mais Jean TRUFFAUT ne se trouvant pas au rendez-vous, LANGE la confie à un ami L. MAJOR, tenancier d’un café tout proche, qui en ignorait le contenu.

Plusieurs membres du réseau sont arrêtés le 17 mars 1944 : le docker Eugène CAUVIN (Léonard) qui renseignait le réseau de Port-en-Bessin. sur les mouvements des vedettes allemandes de Cherbourg. Roger LAULIER, Jack MESLIN, Alphonse LANGE, André LEBOULLENGER, René LESEIGNEUR, à Brix, Raymond HAUGMARD à Carentan, le docteur PHILIPPE à Saint-Lô. Le lendemain 18 mars, le sous-préfet de Cherbourg, Lionel AUDIGIER, et le 30 mars, André CONARD à Agon. Transférés à la prison de Saint-Lô, LAULIER, MESLIN, AUDIGIER, LESEIGNEUR périront sous le bombardement de la nuit du 6 au 7 juin 1944.

Dans  » Les Mains jointes « , Rémy évoque le calvaire des Résistants enfermés dans la prison-tombeau. Les pages 169 et 170 concernent les Résistants dont nous avons parlé :

 » Après l’alerte de 22 h, Franck s’était endormi tranquillement. Le réveil, au milieu de la nuit fut brutal.  » Les murs de la prison, épais de plus d’un mètre et demi, tremblent sur leurs bases. A travers les explosions, on entend le ronronnement incessant d’une nuée d’avions de bombardement qui planent au-dessus de la ville. Des débris passent à travers les planches qui bouchent la fenêtre. Franck regarde : la ville brûle ; mais la vieille prison semble tenir. Par un trou de souris, il communique avec la cellule d’en dessous… ils sont à six.
Cuny et ses camarades ont pris la décision de sortir de cette cellule où ils risquent d’être écrasés. La porte est épaisse, énorme. Avec des pieds de châlit, ils tentent de la forcer. Elle craque, fendille ; mais ne bouge pas. Les pieds cas-sent les uns après les autres. Les prisonniers y mettent le feu avec des allumettes qu’ils avaient réussi à dissimuler après avoir enflammé leurs paillasses. Au bout de quatre heures d’efforts, le verrou du haut cède. La prison n’est plus qu’un brasier… Les bombes explosent encore, à raison d’une toutes les cinq minutes.
 » Cuny se précipite avec son fils et son camarade Jean Vauzelle jusqu’à la cellule n° 7 qui est au 1er étage, et renferme le lieutenant Franck, ainsi qu’un gendarme de Valognes : Le Coadou. La porte de la cellule tient bon. Cuny se souvient qu’il a été employé à travailler clans le jardin ; il sait où trouver une pioche ; il court et libère les deux prisonniers. Il faut partir…
 Mais des plaintes, des appels viennent de l’autre côté de la prison. Cuny et son fils y courent, Franck et Le Coadou sont séparés d’eux : la voûte centrale vient de s’effondrer dans un fracas épouvantable. Cuny voit des cadavres partout. Il entend des cris : quelques prisonniers sont encore vivants, ensevelis jusqu’aux épaules, incapables de se dégager. « 

La suite du récit est inexacte ; Cuny ne délivre pas le Dr Philippe, ni Leseigneur, qui, hélas est déjà mort. Rémy – qui a beaucoup écrit – s’est-il documenté sérieusement ? Cuny et son fils l’ont-ils induit en erreur ? Il n’est pas aisé d’en décider.
Mais à partir de ce récit inexact, l’historien Marie Granet écrira que le bombardement  » permit à plusieurs internés de s’échapper  » ; et elle cite le sous-préfet de Cherbourg Audigier et Leseigneur, parmi les rescapés.

Pour parler d’Audigier ou de Leseigneur, nous avons essayé de retrouver deux survivants de la cellule 5 (1er étage) :
– Le D’ Philippe, ancien médecin saint-lois, réside à Caen ; il est très âgé mais une cassette permet de l’entendre ;
– Alphonse Lange, président de l’A.D.I.F., nous a fourni le plan de la cellule (12 morts, 4 rescapés, dont deux seuls restent vivants). Il nous dit :

La prison s’écroula dans un fracas épouvantable, lentement, comme une boîte qu’on fracasse en mettant le pied dessus. Nous avons pensé que c’était fini, que nous allions mourir là. Tout le monde hurlait. Le sous-préfet avait les jambes pratiquement coupées par la chute d’une poutre métallique. Il appelait à son secours le D’ Philippe qui, de son côté, criait :  » Dégagez Lange. Leseigneur va mourir.  » René Leseigneur était gravement touché, mais aucun secours n’était possible… Sous les pierres et les poutres, les lits métalliques se sont écrasés, refermés, emprisonnant ceux qui étaient à l’intérieur.
Bien des camarades sont morts, broyés à cause de ces lits… J’avais été blessé à la tête par l’armature du lit supérieur ; j’avais perdu mes lunettes. Comme je criais, le D’ Philippe a cru que j’étais en train d’agoniser…
Il y a eu une accalmie ; une bombe à retardement m’a miraculeusement remis à l’air libre et dégagé. Le D’ Philippe put s’évader dans le courant de la journée. J’ai erré pendant quinze jours dans le  » no man’s land « , avant de rencontrer les Américains, le 23 juin. « 

C’est la fin, pour le département de la Manche, d’un des plus prestigieux réseaux de renseignements de la France occupée.

SOURCES : https://www.wikimanche.fr/Jack_Meslin-_http://beaucoudray.free.fr/1940.htm
Mémorial Alliance

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s