
Fils d’Alexandre, Joseph, Alexandre Rives, employé de magasin, et de Marie, Jane, Paulette Barreau, ménagère, âgés respectivement de vingt-huit et vingt-quatre ans en 1912, Georges Rives fut adopté pupille de la Nation par jugement du tribunal civil de Perpignan du 27 octobre 1931. Son père avait travaillé à Paris comme employé dans un grand magasin, La Samaritaine. Il y avait connu son épouse. Il revinrent dans les Pyrénées-Orientales à Saint-Paul-de-Fenouillet. Mais, bientôt, Alexandre Rives obtint un emploi de courtier de la compagnie d’assurances L’Abeille à Perpignan. Il fut blessé pendant le Grande Guerre et ne survécut que de quelques années à la fin de ce conflit. Georges, fils aîné, né avant la guerre, dut, par la suite veiller au sort de ses deux frères cadets.
Georges Rives fit des études secondaires au collège de garçons de Perpignan. En classe de 5e, il fut un condisciple de Charles Trenet et de Robert Brasillach.
Le 24 mai 1933, Georges Rives, de la classe 1933, fut dispensé du service militaire. La commission de réforme le classa cependant comme apte au service armé en cas de mobilisation et il fut, à cet effet, affecté au centre de mobilisation de l’Artillerie n° 16.
Rédacteur à la mairie de Perpignan (Pyrénées-Orientales), il milita tout d’abord dans les rangs des Jeunesses laïques et républicaines des Pyrénées-Orientales dont il fut l’un des animateurs. Adolescent, il adhéra au mouvement des Faucons rouges, en cours de formation dans les Pyrénées-Orientales dans le cadre de la fédération départementale de la SFIO. Par la suite, il devint l’un des dirigeants des Jeunesses socialistes SFIO et participa très activement à l’animation départementale du mouvement des Faucons rouges. Avec Henri Ginestet et Désiré Beaux, il était en 1938 membre du comité fédéral mixte de l’Entente des Jeunesses socialistes SFIO des Pyrénées-Orientales. Il en était le secrétaire fédéral (« jeune »), flanqué d’un secrétaire fédéral « adulte », Pascal Bernole. En 1938, il était en outre un des administrateurs de La voix des Jeunes socialistes catalans, l’organe mensuel de l’Entente des jeunesses socialistes des Pyrénées-Orientales. Dans le sillage de Jean Payra dont il fut le secrétaire personnel, Georges Rives s’imposa comme l’un des principaux dirigeants de la SFIO dans les Pyrénées-Orientales.
En 1936, il devint le secrétaire du comité départemental de Front populaire. Partisan de l’intervention dans la guerre civile espagnole, il se rendit très souvent à Barcelone et fut un propagandiste de la cause de l’Espagne républicaine. Le 17 février 1939, peu après que les troupes franquistes eurent atteint la frontière française, Georges Rives prit à partie, dans les colonnes de l’hebdomadaire Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, le général Falgade, commandant de la XVIe région militaire : « Le général Falgade, va accueillir avec prise d’armes, sonneries, large sourire, le général Solchaga, commandant des troupes navarraises. » Cet article lui fut ultérieurement reproché par les Vichyssois. Ce fut l’un des motifs invoqués pour lui retirer son emploi à la mairie de Perpignan. Antimilitariste (il avait été réformé), Georges Rives avait été un anti-munichois convaincu.
Il fut rappelé au service armé actif le 26 octobre 1939. Il fut affecté à l’école d’Artillerie de Poitiers (Vienne) de janvier à août 1940, jusqu’à sa démobilisation.
En 1940-1941, il fit des démarches afin de pouvoir se faire admettre dans un camp de formation des chefs des Compagnons de France. Sa candidature fut dans un premier temps acceptée puis rejetée après enquête de police. Il se replia donc à Marseille (Bouches-du-Rhône) où il devint « formateur » aux Compagnons de France. Il gardait cependant des liens très étroits avec Perpignan. À Marseille, des cadres des Compagnons manifestaient une volonté d’indépendance à l’égard de Vichy et se rapprochèrent de la Résistance en fondant le réseau Druides, sous-réseau d’Alliance (réseau de la France combattante) dont une des tâches était de faire passer en Espagne des aviateurs alliés et réfractaires au STO (Service du travail obligatoire) et, dans les deux sens, des cadres de la Résistance en mission. À Perpignan, c’était un autre compagnon, Pierre Cartelet qui animait le réseau Druides épaulé par Charles Blanc. Basé à Marseille, Rives faisait cependant de longs séjours à Perpignan. Il fut envoyé à Nice (Alpes-Maritimes) où il occupa les fonctions d’administrateur des Compagnons de France. Dans cette ville il résidait 18 rue Marceau alors que, sur son acte de mariage (11 juillet 1941), il était précisé qu’il était domicilié à Perpignan, 8 rue de la Barre. À partir du 11 novembre 1941,il résida avec sa femme à Marseille. Dans la cité phocéenne, il devint le premier adjoint d’Aubert, chef du réseau pour sa « province Provence ». De ce fait, Georges Rives participa aussi à la Résistance dans le réseau Druides à Perpignan sous le pseudonyme de Caturix. Ce réseau fut pénétré par une « taupe » de l’Abwher qui contribua à des arrestations de ses animateurs à Perpignan ou à Toulouse et, sans doute, de celle de Rives à Paris. Après la Libération, les services d’agent P 2, « chargé de mission de première classe » au sein du réseau Alliance, du 1er janvier 1943, date théorique de son intégration dans le réseau jusqu’au 16 mars 1945, date de son décès, justifièrent son homologation comme capitaine des FFC, le 6 juin 1950. Dans une lettre à sa mère (27 février 1970), Georges Rebattet confirma à la fois ses fonctions dans le sous-réseau Druides du réseau Alliance et celles qu’il occupa à ses côtés à la direction du service maquis de la zone Sud.
Il appartenait aussi aux Mouvements unis de la résistance de Perpignan et devint en 1943 un des responsables de l’AS (Armée secrète) de cette ville. Il accéda aussi à d’importantes responsabilités dans l’AS. Après la mise en place du « service national maquis » dans le cadre de l’AS, entre avril et septembre 1943, Georges Rives devint l’adjoint de Georges Rebattet alias « Cheval » (issu du mouvement Combat) son responsable pour l’ensemble de la zone Sud.
C’est à ce titre qu’il quitta Perpignan le 4 janvier 1944 pour se rendre à Paris à un important rendez-vous clandestin. Afin de justifier son déplacement, il était censé être voyageur de commerce. Un de ses amis résistant de Perpignan arriva trop tard sur le quai de la gare alors que le train partait. Il lui cria : « Ne pars pas ! Tu es trahi ! ». Mais Rives ne l’entendit pas. Il fut arrêté par la Sipo-SD à Paris le 5 janvier, à l’hôtel de la rue Quincampoix où il était descendu. Torturé (il subit le supplice de la baignoire) il maintint la version selon laquelle il était un représentant de commerce et, selon divers témoignages, il ne livra aucun nom. Son arrestation peut être attribuée à une « taupe » introduite par la Sipo-SD dans le réseau Druides, mais on constate aussi qu’elle coïncide avec des arrestations en série dans le « service national maquis » de l’AS (Noguères, op. cit., 1976, p. 312).
Interné à Compiègne, il partit de ce camp le 27 avril 1944 avec un train qui arriva le 30 avril en fin d’après-midi à Auschwitz-Birkenau. C’était le convoi dit des « tatoués » car les déportés le furent dès leur arrivée à Birkenau. Parmi les Catalans des Pyrénées-Orientales qui en faisaient partie, on note la présence de Georges Brousse, directeur du principal organe de presse de Perpignan, L’Indépendant et un résistant socialiste de la ville que Rives a forcément connu, Joseph Rous. Le 12 mai 1944, il fit partie des déportés du convoi des « tatoués » qui furent transférés par train au camp de Buchenwald (Saxe). Finalement, le 24 mai, il fut embarqué avec d’autres également issus du convoi de « tatoués », dans un train, à destination du camp de Flossenbürg (Bavière).
Le 12 juin 1947, Georges Rives reçut à titre posthume une citation à l’ordre de l’Armée. Le 10 juin 1950, la date de son décès à Flossenbürg fut transcrite sur l’état civil de Perpignan. Il fut reconnu comme déporté résistant le 7 mars 1951. Le 21 décembre 1952, lors d’une cérémonie à Perpignan, la Légion d’honneur, la Croix de guerre et la médaille de la Résistance décernées à titre posthume furent remises à sa mère par René Pleven, ministre de la Défense nationale. Le récit de sa déportation dans ce camp et les circonstances de son décès peuvent être reconstitués grâce aux témoignages de certains de déportés qui avaient noué avec lui des liens d’amitié et qui, après la Libération, entrèrent en contact avec sa mère : Jean Max, né à Garche (Moselle) le 26 mars 1911, domicilié à Garche, près de Thionville ; Robert Barrier, né à Saint-Denis (Seine / Seine – Saint-Denis, domicilié à Stains (Seine/ Seine – Saint-Denis), Émile Géhant alias « Milo » (1918-2003) né à Belfort, avoué puis avocat à Belfort. Un codétenu de Rives à Flossenbürg, Georges Laurens de Sète (Hérault), témoigna aussi sur les conditions de sa détention et sur les mauvais traitements qui lui furent infligés dans ce camp à partir d’août 1944 par Christophe Louis.
Robert Barrier se lia d’amitié avec Georges Rives à Flossenbürg. Dans une lettre qu’il envoya le 13 août 1945 à la mère de Georges Rives depuis Stains, il expliquait combien ce dernier était pessimiste peu après son arrivée à Flossenbürg et comment il conversait en catalan avec d’autres déportés originaires des Pyrénées-Orientales. Affecté au commando du block 20, Barrier connut mieux Rives lorsqu’il fut affecté au commando du Block 16, chargé de ramasser des pommes de terre. Tous deux furent ensuite mutés au Block 10 : six détenus « commandés » par Barrier participaient à des travaux de construction. Rives effectuait des tâches de maçon. Ils furent désignés en juin à la construction d’un alternateur à Altenhammer, à quatre kilomètres de Flossenbürg. Le Mosellan Jean Max qui faisait partie de ce commando en devint le kapo, sans doute parce qu’il maitrisait l’allemand. Il se lia aussi d’amitié avec Georges Rives. La lettre que Jean Max écrivit le 3 août 1945 à la mère de Georges donne des détails qui recoupent ceux fournis par Robert Barrier. Georges Rives fit des confidences à Robert Barrier, lui expliquait ses projets pour le lendemain de la Libération. Il avait, l’intention de créer un journal dans la capitale du Roussillon. Dans une seconde lettre à Mme Rives mère (27 janvier 1946), Barrier expliqua de façon plus détaillée les projets éditoriaux de Rives à Perpignan après la fin de la guerre. Cet espoir lui permit sans doute de survivre dans l’adversité.
À la fin du mois d’août 1944, ils furent transférés dans la même localité, Altenhammmer, dans un autre commando, placé aussi sous les ordres d’un kapo lorrain, un doit commun, Janbauer. Originaire des environs de Sarreguemines (Moselle), Christophe Louis était son adjoint. Celui-ci fit de Georges Rives sa tête de Turc. Ce commando participait à la construction d’une halle destinée à abriter une usine aéronautique. Christophe Louis confiait à Rives les travaux les plus pénibles et le frappait volontiers. À partir du 25 (ou 27, selon les témoignages) décembre, ils durent travailler à l’intérieur de l’usine, ce qui rendait leurs conditions de travail moins pénibles en hiver. Christophe Louis décida alors d’exclure Rives du commando. Pendant cette période et jusqu’à sa mort, Georges Rives continua d’avoir comme compagnon de châlit le Belfortain Émile Géhant qui jusque là avait travaillé avec lui dans le même commando. Géhant devint d’autant plus le confident de Rives que tous deux, dans leurs villes respectives avaient eu les mêmes engagement politiques, aux Faucons rouges, aux Jeunesses puis au Parti socialiste SFIO. Géhant put expliquer à la mère de Rives les derniers mois de la vie de son fils (lettre du 5 décembre 1945, expédiée de Belfort). Déjà affaibli par les mauvais traitements, désormais sans affectation, Rives fut chargé des corvées du camp. De fait, il était condamné à mourir : affaibli, il ne pesait plus que 56 kg. Il mourut le 16 mars 1945 de faiblesse généralisée. Il fut incinéré au crématoire de Flossenbürg. Dans sa lettre, Robert Barrier estimait que l’ « antipathie personnelle » était le seul motif de la haine de Christophe Louis à l’égard de Georges Rives.
Après la fin de la guerre, Paul, frère de Georges, voulut en savoir davantage sur le Lorrain Christophe Louis, responsable de la mort de ce dernier à Flossenbürg. Le maire de Garche (Moselle) avait été mis au courant, sans doute par Jean Max, que l’ex-kapo était originaire de Dabau (Moselle), près de Sarreguemines et qu’il y était domicilié, le maire de Garche écrivit donc le 13 août 1945 à son collègue de Dabau. À l’issue de ces démarches, Paul Rives finit par savoir que Louis Christophe était interné dans le camp de concentration allemand de Dachau (Bavière) après avoir été fait prisonnier par les Américains. Ayant intégré la SS avant la fin de la guerre, Louis Christophe devait être jugé. Il écrivit donc, le 25 février 1945, au procureur français de la cour de Justice de Dachau afin d’en savoir davantage, et, surtout, de se porter partie civile. Nous n’avons pas eu entre les mains une éventuelle réponse de ce dernier et ignorons s’il y eut un procès contre le bourreau Louis Christophe.
Le 10 juin 1950, la transcription de son décès fut enregistrée sur l’état civil de Perpignan. Le 12 juin 1947, Georges Rives fut cité à l’ordre de l’Armée à titre posthume. Le 6 juin 1950, il fut homologué capitaine des Forces françaises combattantes pour son activité clandestine, à partir de la date théorique du 1er janvier 1943, d’agent P2, chargé de mission de première classe du réseau Alliance (en fait du sous-réseau Druides).
Source : https://maitron.fr/spip.php?article129074
Texte de André Balent
Photo : Georges Rives en 1941 – Collection Annie Jardon-Rives
SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, série M non classée, versement du cabinet du préfet, (1951, 1956, 1959) liasses, 65, 177, 187 ; 1 J 1182/1 et 1 J 1182/2, fonds Georges Rives. — Arch . dép. Territoire-de-Belfort, 70 Fi, inventaire du site Émile Géhant dit « Milo ». — Arch. com. Paris, état civil du 14e arrondissement, acte de naissance de Georges Rives et mentions marginales. — L’Avant-Garde (Prades), octobre 1935. — Arch. com. Thuir, état civil, acte de naissance de Reine Bénédi et mentions marginales. — Arch. com. Nice, état civil, acte de mariage entre Georges Rives et Reine Bénédi. — Arch. privées Annie Jardon-Rives (Cabestany, Pyrénées-Orientales). — Arch. com. Villelongue-de-la-Salanque, état civil, acte de décès de reine Bénédi veuve Rives. — La Voix des jeunes socialistes catalans, mensuel, Perpignan, 1938. — Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, 17 février 1939. — Christian Camps, Les noms de rues de Perpignan, Thèse, Montpellier, 1974. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 965. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronique des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, 400 p. [p. 236]. — Louis Noguères et Maurice Degliame-Fouché, Histoire de la Résistance en France de 1940 à 1945, tome IV, Formez vos bataillons ! Octobre 1943-mai 1944, Paris, Robert Laffont, 1976, 711 p. [p. 84, 184, 202, 312, 671] — Site FMD, consulté les 7 et 8 juillet 2020. — Courriels d’Annie Jardon-Rives, 5, 6, 7 et 14 novembre 2019 ; 21 mai et 8 juillet 2020. — Entretiens téléphoniques avec Annie Jardon-Rives , juin et juillet 2020.